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Kiev face à ses fantômes : quand la lutte anticorruption effraie les élus

Des dizaines de députés du parti présidentiel ukrainien hésitent à rétablir l’indépendance des agences anticorruption, craignant d’en devenir les cibles, selon le Financial Times. Ce blocage menace un vote crucial prévu fin juillet, au cœur d’une crise politique majeure pour Volodymyr Zelensky.

Un climat d’inquiétude s’installe au sein du parti présidentiel ukrainien alors que le Parlement s’apprête à examiner un nouveau projet de loi visant à rétablir l’indépendance des principales institutions de lutte contre la corruption, rapporte le Financial Times. Le quotidien britannique indique qu’environ 70 députés du parti « Serviteur du peuple », majoritaire à la Rada, hésitent à soutenir ce texte, redoutant de potentielles représailles judiciaires.

Ce projet fait suite à l’adoption, en début de semaine, d’une loi controversée qui a placé les agences anticorruption sous l’autorité du procureur général, lui-même nommé par le président. Cette décision a provoqué un tollé de la part des alliés occidentaux de l’Ukraine ainsi que d’organisations de la société civile, qui y voient un recul démocratique préoccupant.

Toujours selon le Financial Times, la tension est considérablement montée après qu’un responsable de haut rang au sein du bureau du procureur dédié à la lutte contre la corruption a annoncé que son service allait minutieusement retracer les circonstances ayant entouré l’élaboration ainsi que le vote de la loi initiale. Cette déclaration a suscité des craintes parmi les parlementaires, qui redoutent de devenir la cible d’enquêtes pénales.

Face à ces préoccupations, certains députés songeraient même à renoncer à leur mandat plutôt que de devoir se prononcer publiquement. D’autres misent sur une absence stratégique lors du vote pour faire échouer le quorum.

Prévu pour le 31 juillet, le vote du nouveau texte pourrait ainsi être reporté ou organisé dans des conditions défavorables à son adoption. La majorité absolue requise est de 226 voix, un seuil théoriquement atteignable mais fragilisé par les divisions internes.

En toile de fond, plusieurs enquêtes en cours visant des parlementaires alimentent les suspicions. Le rétablissement de l’indépendance du Bureau national anticorruption ukrainien (NABU) et du Parquet spécial indépendant ukrainien (SAP) apparaît à certains comme une menace directe, malgré les assurances des responsables de ces institutions quant à leur impartialité, selon le journal britannique.

Tentative de rétropédalage insuffisante

Après avoir été critiqué par leurs alliés occidentaux et subi des manifestations massives en Ukraine même, le 25 juillet, Volodymyr Zelensky a présenté à la Rada un nouveau projet de loi visant, selon ses propres termes, à offrir « de véritables garanties d’indépendance aux organes de lutte contre la corruption ». Le nouveau projet annule les précédentes dispositions : il interdit au procureur général et à ses adjoints de donner des ordres aux procureurs du SAP et précise que ces derniers ne répondent qu’à leur hiérarchie directe. Quant aux détectives du NABU, il leur est interdit de recevoir des instructions du procureur général.

Malgré ce revirement législatif, les tensions restent vives en Ukraine. Depuis quelques jours, des manifestations se poursuivent dans les grandes villes. Les protestataires exigent l’abrogation complète du texte ainsi que les démissions d’Andriy Yermak, chef du bureau présidentiel, ainsi que de Ioulia Sviridenko, proche alliée récemment nommée Première ministre. Les organisateurs prévoient de publier prochainement des dossiers de corruption sensibles, impliquant l’entourage présidentiel, qui auraient été traités par le NABU.

En outre, d'après le Telegraph, Volodymyr Zelensky, longtemps perçu par l’Occident comme une figure clé d’unité nationale, est désormais accusé de dérives autoritaires et de tentatives de sabotage des agences anticorruption. Face à la colère populaire et aux avertissements européens, sa légitimité s’effrite, et de plus en plus de voix appellent à son remplacement. « Zelensky ne fait plus partie de la solution pour l’Ukraine, il fait partie du problème », indique le média britannique.