La faiblesse objective de la position des globalistes radicaux, incarnés par les démocrates dans cette élection, conduit ce pouvoir à recourir aux méthodes classiques de tout régime totalitaire : interdire la liberté d’expression... au nom de la liberté. What else ?
L’audition, qui vient de se dérouler au Sénat américain au sujet de l’interférence dans les élections présidentielles américaines de puissances étrangères a dépassé tout ce qui fut réalisé les années précédentes. Il est vrai que les derniers cycles électoraux aux États-Unis, depuis la première élection de Donald Trump, présentent un intérêt majeur pour le système de gouvernance globaliste. À la différence des élections dans les pays européens, où les figures s’enchaînent sans remettre en cause la ligne idéologique, ici Trump présente une alternative non pas politique, mais idéologique. Le danger pour les radicaux globalistes est donc quasiment vital, surtout que la faiblesse des personnalités qu’ils peuvent lui opposer, de papy Biden à la surréaliste Harris, est évidente.
L’interdiction libérale se fait au nom de la liberté
Dans ce cadre, la maîtrise du discours médiatique est fondamentale, puisqu’il participe à la constitution de l’opinion publique. Mais les États-Unis sont censés être le siège du libéralisme et le parangon de la démocratie, alors comment interdire et contrôler ? C’est très simple : l’interdiction libérale se fait au nom de la liberté.
Ainsi, le sénateur Mark Warner remercie Facebook d’avoir supprimé les comptes de RT et donné accès aux informations concernant leur activité. L’on appréciera surtout la position du directeur de Microsoft, Bradford Smith : «Le droit à la liberté d'expression et d'opinion doit être préservé.» Et d’ajouter : «Nous ne pouvons pas permettre à des pays étrangers d’utiliser nos plateformes.»
N’ayons aucune illusion, ce qui est fait ici contre RT peut être fait contre n’importe quelle personne ou puissance, dès qu’elle peut présenter un danger pour ce système de gouvernance globaliste.
Traduisons les paroles du directeur de Microsoft : nous sommes dans une démocratie libérale, donc les gens doivent avoir le droit d’exprimer librement leurs opinions. Mais ces opinions, nous devons les préformater nous-mêmes, afin de rester dans la ligne idéologique qui est la nôtre. L’intervention de puissances étrangères, ne soutenant pas la ligne dure globaliste, peut influencer la formation de l’opinion publique. Il est donc impossible de permettre l’accès à nos plateformes (de conditionnement de l’esprit sur toute la planète et notamment aux États-Unis) à ces puissances étrangères. Tout ce qui n’entre pas dans le discours médiatique maîtrisé sur le territoire «global» est considéré comme une ingérence et une manipulation des esprits. Et cela doit être interdit, puisque formellement ce n’est plus de la liberté mais de l’atteinte à la liberté. Amen.
D’une certaine manière, le fond de cette position est logique, même si cela ne se dit jamais. Tout système se défend, empêche toute intrusion sur ce qu’il considère comme étant son territoire, quelle que soit la conception du territoire en jeu (géographique, politique, cognitif). Ici, c’est surtout la forme qui choque et montre in fine la faiblesse du système, ne pouvant plus au minimum préserver les apparences, qui elles-mêmes garantissent la croyance dans la légitimité du système.
La domination politique, idéologique et économique des États-Unis en Occident
Dans la dimension de guerre de l’information, qui accompagne inévitablement la guerre civilisationnelle qui se déroule, une leçon fondamentale doit être tirée : l’on ne peut se battre sur le terrain de l’ennemi avec les armes de l’ennemi, car si vous devenez dangereux il modifie unilatéralement les règles du jeu et vous êtes évincés.
Il est important, évidemment, d’avoir une position offensive sur le plan communicationnel et d’aller sur le terrain de l’ennemi pour toucher ce public de l’intérieur. Mais l’on doit garder à l’esprit qu’il n’est possible d’influencer en profondeur le discours médiatique que sur le territoire que l’on contrôle.
Si la position atlantico-globaliste est à ce point ancrée en Occident, c’est parce que les États-Unis contrôlent ce territoire : politiquement et idéologiquement, mais aussi en partie économiquement. Ils ont, avec le temps, constitué des élites politiques qui leur sont acquises ; ont fait entrer les pays dans des organisations dites internationales, qui permettent de mettre en place des règles juridiques «globalo-compatibles» ; ont réussi à imposer comme une évidence incontestable le système de «valeurs» accompagnant la globalisation, qui est strictement diffusé et violemment défendu sur toutes les plateformes ; enfin ils ont réussi à discréditer à l’extérieur de leur territoire national les moyens traditionnels d’information et d’expression, au profit d’outils de consommation courante et de masse de faible qualité. À tel point que certains médias ne conçoivent pas d’exister autrement que sur les réseaux sociaux... et ainsi sont tombés dans le piège tendu. L’utilisation des réseaux sociaux ne doit pas remplacer un journalisme professionnel et de qualité, qui oblige à être repris et qui peut s’imposer, à l’image du New York Times régulièrement cité en Russie.
Le retour des «chasses aux sorcières»
La maîtrise du territoire emporte la maîtrise du discours et donc des esprits. Car seul celui qui contrôle le territoire peut décider des règles de publication et des contenus – désirables ou indésirables. Les autres acteurs intervenant sur cet espace ne peuvent le faire qu’en se pliant aux règles, sous peine de se faire interdire.
La seule possibilité, dans le cadre de la guerre de l’information, pour les puissances en conflit est soit de conduire une politique de refoulement, soit une politique de «partisans».
La politique de refoulement doit commencer par faire sortir de son propre territoire l’influence du discours de l’ennemi pour ensuite commencer à entrer sur son territoire. Ici, et la qualité et les actions partisanes médiatiques jouent leur rôle. Sachant que la situation ne pourra se stabiliser qu’à la fin du conflit, quand alors chaque acteur pourra déterminer son territoire et convenir des règles du jeu, notamment médiatiques.
En attendant, il ne peut malheureusement être surprenant de voir ces chasses aux sorcières, comme celle conduite contre RT. Elles sont en quelque sorte équivalente à une reconnaissance, une sorte de remise de médailles pour le travail effectué, qui dérange suffisamment le système globaliste, pour qu’il ait besoin de se protéger de manière aussi primaire.