Devant une assemblée des Nations unies très clairsemée le 20 septembre, Emmanuel Macron a tenté de ramener le reste du monde à la cause occidentale sur le conflit en Ukraine, haussant le ton contre les – nombreux – pays qui refusent de sanctionner la Russie ou ont adopté une position de neutralité.
Simplifiant à outrance la problématique, le chef d'Etat français a tenu un discours aux accents rappelant parfois la célèbre maxime «soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes» que George W. Bush avait fait sienne avant que son pays ne déclare la guerre à l'Irak. Ainsi à en croire Emmanuel Macron, le choix à faire serait «simple, celui de la guerre ou celui de la paix». Avec d'un côté le camp qu'il défendrait, celui de la paix donc, des «valeurs universelles», de la défense de la souveraineté, celui des principes du «seul ordre international possible», et de l'autre celui d'un «retour à l'âge des impérialismes et des colonies» qu'incarnerait avec «cynisme» la Russie : «La division face à la guerre est simple : êtes vous pour ou contre la loi du plus fort ?»
L'objectif de cette présentation simpliste – pour ne pas dire hypocrite au plus au point – visait à réfuter la vision d'un conflit qui serait le catalyseur d'un changement plus large de l'ordre mondial, où la domination unilatérale des Occidentaux s'effrite au profit d'un monde multipolaire : «Certains voudraient nous faire croire qu'il y aurait d'un côté l'ouest, qui défendrait des valeurs dépassées au service de ses intérêts, et de l'autre côté le reste du monde qui a tant souffert et cherche à coopérer en soutenant les guerres ou en détournant le regard. [...] Il ne s'agit pas de choisir un camp entre l'est et l'ouest, entre le nord et le sud. Il s'agit de la responsabilité de tous ceux qui sont attachés au respect de la Charte et à notre bien le précieux, la paix.»
Fort de cette analyse, Emmanuel Macron a martelé à l'adresse des pays non-occidentaux que le choix se résumait, en substance, à opter entre le camp du bien et celui du mal. Et qu'il ne fallait surtout pas y voir autre chose. «Il incombe aux membres de cette assemblée de nous soutenir sur le chemin de la paix [...]. Qui voudrait mimer le combat des non-alignés en refusant de s'exprimer clairement se trompe et prend une responsabilité historique», a-t-il ainsi lancé à la tribune sur un ton presque agressif, avant d'affirmer que «ceux qui se taisent aujourd'hui servent malgré eux – ou secrètement avec une certaine complicité – la cause d'un nouvel impérialisme, d'un cynisme contemporain qui désagrège notre ordre international, sans lequel la paix n'est possible».
L'ironie d'un tel propos venant d'un dirigeant occidental à la vue de l'histoire récente (en témoignent les guerres d'Irak, de Syrie, de Libye, d'Afghanistan, de Serbie, etc...) n'a pourtant pas échappé à Emmanuel Macron. Conscient que les accusations russes de «double standard» des Occidentaux – à savoir édicter des règles et des principes dont on s'émancipe – font mouche à l'international, le président français les a balayées par un rapide acte de contrition : «Ne cédons pas au cynisme qui désagrège l'ordre qui nous a construit et permet seul de tenir la stabilité internationale, car ces valeurs qui sont les nôtres, le respect de la souveraineté nationale, de l'intégrité des frontières. Je le dis nous avons eu tort à chaque fois que nous avons pris des licences avec elles.»
Problème réglé donc, le reste du monde est prié de croire que les Occidentaux auraient finalement décidé de respecter les principes qu'ils imposent. Ces quelques mots de mea culpa enrayeront-ils l'émergence d'un ordre mondial multipolaire ? Quoi qu'en pense Emmanuel Macron, le conflit en Ukraine en sera un révélateur.
Frédéric Aigouy