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Au Mexique, fumer de la marijuana est désormais un droit humain fondamental

La Cour suprême du pays a rendu un arrêt qui n'a rien de fumeux et qui fera date: fumer des joints est un droit humain fondamental, comme l'eau ou la liberté. Concrètement, cela signifie que la marijuana est en voie de légalisation.

La Cour suprême a donc admis par cet arrêt le droit des Mexicains de consommer le produit pas seulement à des fins thérapeutiques mais également de délassement. La décision, adoptée par un vote de quatre juges sur les cinq que compte la juridiction, établit donc que l'interdiction légale de posséder ou d'utiliser de la marijuana constitue une violation des droits humains fondamentaux.

Ce sont les quatre membres de l'association  «Mexicains Unies pour la consommation responsables et tolérants»  qui avaient déposé le recours pour ouvrir le débat sur la question. Leur argument juridique s'est appuyé sur le concept du «droit au libre développement de chacun», un droit inscrit dans la Constitution du Mexique. Concrètement, ce droit suppose une forme d'autonomie: l'Etat ne peut empêcher quiconque de faire quelque chose qui serait selon lui mauvais pour lui, tant que cela ne nuit pas aux autres. Pour la Cour suprême,  dans ce cas, la possession et la consommation de la marijuana a relevé de cette catégorie.

Cependant cette décision ne fonde pas encore la légalisation dans tout le pays du produit. Au Mexique, en effet, en l'état de la législation, la possession de cinq grammes de marijuana par personne est autorisée mais la culture de la plante est strictement interdite. La décision ne concerne pour le moment que les quatre plaignants. Pour que cet arrêt soit généralisé, la cour devra rendre des décisions semblables pour au moins quatre autres individus ou groupes. 

Mais cet arrêt pourrait tout de même offrir aux partisans de la libéralisation du produit la possibilité d'invoquer une jurisprudence établie. Plus encore, le législateur pourrait s'appuyer sur l'arrêt afin d'introduire les changements législatifs nécessaires à la libéralisation. Le Mexique est pourtant frappé par les guerres de Cartels de la drogue et par les trafics, violence et corruption que ce marché particulier supposent. 

La décision n'ouvre pas la voie non plus à la commercialisation de marijuana, comme cela existe à Washington et au Colorado. Mais cela pourrait avoir des répercussions en cascade dans d'autres pays latino-américains, comme l'Uruguay et le Chili, qui connaissent aussi des débats sur la question de la légalisation de la marijuana.

Au plan international, cette décision ouvre aussi une brèche dans la classification des drogues de l'ONU, jugée par certains Etats comme obsolètes. En prévision du Sommet sur les drogues qui doit se tenir en 2016, et compte tenu de la politique en la matière de pays comme les Etats-Unis et maintenant le Mexique, nombreux sont les pays à menacer d'agir unilatéralement.

La question d'importance aussi au Mexique est de savoir si la Californie, avec laquelle le pays partage une frontière, légalisera bien la marijuana en 2016. Plus au nord, encore, c'est le Canada qui doit réfléchir à la légalisation, comme le nouveau Premier ministre Justin Trudeau l'avait promis lors de sa campagne. Si tout cela aboutit, du Canada au Mexique, il pourrait y avoir une zone de légalisation allant du cercle polaire au Tropique du Cancer.