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Une journaliste d'al-Jazeera tuée «de sang froid» par l'armée israélienne, selon la chaîne

La chaîne qatarie a annoncé la mort de sa correspondante Shireen Abu Akleh au cours d'un reportage en Cisjordanie. Selon al-Jazeera, elle aurait été tuée par les forces israéliennes. Israël «envisage» que des «Palestiniens armés» aient causé sa mort.

La journaliste Shireen Abu Akleh, l'un des visages les plus connus d'al-Jazeera, a été tuée le 11 mai. Selon la chaîne qatarie, elle aurait été délibérément tuée par un tir de l'armée israélienne alors qu'elle couvrait des affrontements dans le secteur de Jénine en Cisjordanie occupée. De son côté, l'Etat hébreu dément cibler les journalistes et juge «probable» que des «Palestiniens armés» soient responsables.

Palestinienne, chrétienne et âgée d'une cinquantaine d'années, Shireen Abu Akleh avait travaillé à «La Voix de la Palestine» et Radio Monte-Carlo avant de rejoindre la chaîne al-Jazeera, où elle s'était fait connaître à travers le Moyen-Orient pour ses reportages sur le conflit israélo-palestinien. Le ministère palestinien de la Santé et la chaîne al-Jazeera ont dans la foulée annoncé son décès. Un autre journaliste, Ali al-Samoudi, blessé lors de ces affrontements, a accusé l'armée israélienne d'avoir ouvert le feu sur les journalistes. «Nous étions en chemin pour couvrir l'opération de l'armée lorsqu'ils ont ouvert le feu sur nous [...] Une balle m'a atteint. La seconde balle a touché Shireen», a-t-il déclaré à sa sortie de l'hôpital.

al-Jazeera et le Qatar dénoncent un «crime odieux» et un meurtre «de sang froid», la France «exige» une enquête

La chaîne qatarie a rapporté dans un communiqué que sa correspondante avait été tuée «de sang froid» par les forces israéliennes, précisant qu'elle portait une veste qui l'identifiait comme journaliste. «Dans ce qui est d'évidence un meurtre, en violation des lois et des normes internationales, les forces d'occupation israéliennes ont assassiné de sang-froid la correspondante d'al-Jazeera en Palestine, Shireen Abu Akleh, prise pour cible de tirs à balles réelles tôt ce matin», a précisé al-Jazeera.

«Al-Jazeera condamne ce crime odieux, qui a pour objectif d'empêcher les médias de faire leur travail», indique la chaîne qatarie, appelant les différents gouvernements du monde entier à «tenir pour responsables les forces d'occupation israéliennes pour avoir intentionnellement ciblé et tué Shireen [Abu Akleh]».

Selon la vice-ministre des Affaires étrangères du Qatar, Lolwah Al Khater, «l'occupation israélienne a tué la journaliste [...] en lui tirant une balle au visage alors qu'elle portait une veste "presse" et un casque». «Ce terrorisme d'Etat israélien doit cesser, le soutien inconditionnel à Israël doit cesser», a-t-elle écrit sur Twitter.

L'un des cadres du Hamas, Ghazi Hamad, a accusé les forces israéliennes d'avoir «intentionnellement tué» la journaliste d'al-Jazeera.

Sur Twitter, le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'homme s'est dit «consterné» par la mort de Shireen Abu Akleh et exige une enquête indépendante sur les circonstances de son décès. «Nos services sont sur le terrain pour vérifier les faits», souligne le tweet exigeant que «l'impunité cesse» et réclamant une enquête «indépendante et transparente sur son meurtre».

La directrice générale de l'Unesco Audrey Azoulay a demandé une «enquête approfondie» sur les circonstances du drame. «Le meurtre d'un journaliste clairement identifié dans une zone de conflit est une violation de la loi internationale», a déclaré Audrey Azoulay dans un communiqué en appelant à une enquête pour que «les responsables soient traduits en justice».

De son côté, la France a «exigé» une enquête sur la mort «profondément choquante» de Shireen Abu Akleh. «La France exige qu'une enquête transparente s'engage dans les meilleurs délais pour faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame», a déclaré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères lors d'un point de presse.

Les Etats-Unis ont, par la voix de leur ambassadrice à l'ONU, Linda Thomas-Greenfield, assuré que ce cas devait être «étudié de manière transparente. Nous encourageons les deux parties à participer à cette enquête afin que nous puissions comprendre pourquoi cela s'est produit». Le porte-parole du département d'Etat, Ned Price, a lui appelé sur Twitter à une enquête «immédiate et minutieuse».

Israël renvoie la responsabilité sur des «Palestiniens armés»

Pour sa part, l'armée israélienne a indiqué dans un communiqué qu'elle avait mené, au cours des dernières heures, des opérations dans le camp palestinien de Jénine, et d'autres secteurs de Cisjordanie, afin «d'appréhender des personnes soupçonnées de terrorisme». «Durant ces activités de contre-terrorisme dans le camp palestinien de Jénine, des dizaines d'hommes armés palestiniens ont ouvert le feu et lancé des objets explosifs en direction des forces israéliennes, menaçant leur vie. Les soldats ont répliqué. Des personnes ont été atteintes», a indiqué l'armée israélienne. «L'armée mène une enquête sur ces événements et envisage la possibilité que les journalistes aient été atteints par des hommes armés palestiniens», détaille le communiqué. «L'armée ne cible pas les journalistes», a affirmé un responsable militaire auprès de l'AFP.

Israël a proposé aux Palestiniens une «enquête conjointe» sur la «triste mort de la journaliste» Shireen Abu Akleh, d'après son ministre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, alors que le président palestinien Mahmoud Abbas a indiqué dans un communiqué que le «gouvernement israélien est entièrement responsable» du décès de la journaliste.

Le Premier ministre israélien a quant à lui réfuté la responsabilité de Tsahal dans le décès de la journaliste. «Selon les informations que nous avons réunies, il semble probable que des Palestiniens armés, qui ont ouvert le feu sans discernement à ce moment, sont responsables de la mort malheureuse de la journaliste», a déclaré Naftali Bennett dans un communiqué.