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Accusées de «fausses allégations», RFI et France 24 interdites de diffusion au Mali

Le gouvernement malien estime que «ces fausses allégations» ont été rapportées notamment dans un reportage dans lequel RFI a donné la parole à des victimes présumées d'exactions qui auraient été commises par l'armée malienne et le groupe Wagner.

Le Mali a ordonné dans la nuit de du 16 au 17 mars la suspension de la diffusion de RFI et France 24 en raison, selon elle, de «fausses allégations» d'exactions commises par l'armée malienne et rapportées par les deux médias français, selon un communiqué du gouvernement malien. Celui-ci «rejette catégoriquement ces fausses allégations contre les vaillantes Fama» (les Forces armées maliennes) et «engage une procédure [...] pour suspendre jusqu'à nouvel ordre la diffusion de RFI et France 24», précise le communiqué signé du colonel Abdoulaye Maiga, porte-parole du gouvernement, et transmis à l'AFP.

L'AFP a cependant constaté que la diffusion des deux médias se poursuivaient dans la matinée de ce 17 mars.

RFI et France 24 comparées à une radio qui avait encouragé le génocide au Rwanda

Une telle suspension de deux grands médias d'information étrangers n'a pas de précédent récent au Mali. RFI et France 24 couvrent de près l'actualité africaine et sont très suivies dans le pays.

Le gouvernement malien estime que «ces fausses allégations» ont été rapportées notamment dans un reportage des 14 et 15 mars, dans lequel RFI a donné la parole à des victimes présumées d'exactions qui auraient été commises par l'armée malienne et le groupe privé russe Wagner, dont Bamako a démenti à plusieurs reprises la présence sur le territoire malien.

Le communiqué du colonel Maiga «interdit à toutes les radios et télévisions nationales, ainsi qu'aux sites d'information et journaux maliens, la rediffusion et/ou la publication des émissions et articles de presse de RFI et de France 24». Il estime en outre que «les agissements de RFI et France 24 ressemblent, dans un passé récent, aux pratiques et au rôle tristement célèbre de la radio "Mille Collines"», qui avait encouragé le génocide au Rwanda en 1994.

Des «atteintes graves à la liberté de la presse» selon la France

Plus tard dans la journée, Paris a dénoncé des «atteintes graves à la liberté de la presse».

«Elle [la France] exprime son inquiétude face aux graves allégations d'exactions qui auraient été commises dans le centre du pays, qui ont été documentées de manière indépendante, et qui ne sauraient être passées sous silence», a relevé la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères en référence à un rapport de Human Rights Watch (HRW).

«Nous avons vu les annonces faites par le gouvernement malien de suspendre RFI et France 24. Nous considérons que c'est inacceptable. Nous déplorons cette décision et les accusations infondées», a appuyé lors d'un point presse Nabila Massrali, la porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. «En s'attaquant à la liberté de la presse, à la liberté d'informer et d’être informé, la junte continue et confirme sa fuite en avant», a-t-elle ajouté.

Le 31 janvier, les autorités maliennes avaient décidé d'expulser l'ambassadeur de France, Joël Meyer, en réponse, selon elles, aux déclarations «hostiles» de responsables français à leur encontre. Quelques jours auparavant, le Mali avait demandé à la France de revoir les accords de défense bilatéraux liant les deux pays. Le Premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, avait ainsi déclaré le 15 janvier à la télévision nationale : «Nous voulons relire les accords déséquilibrés qui font de nous un Etat qui ne peut même pas survoler son territoire sans autorisation de la France.»

La France et ses partenaires européens ont quant à eux officialisé le 17 février leur retrait militaire du Mali, en invoquant les «multiples obstructions» des militaires maliens ayant pris le pouvoir à la faveur de deux coups d'Etat en 2020 puis 2021. Militairement présente depuis 2013 au Mali, la France table sur six mois pour retirer ses forces du pays, tout en poursuivant la traque ciblée des principaux responsables djihadistes.