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L’Allemagne augmente son budget militaire de 100 milliards d'euros

L’Allemagne a pris la décision d’augmenter drastiquement son budget militaire d’une centaine de milliards d’euros. Une décision historique eu égard au passif du pays qui a connu des restrictions spécifiques à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.

Sous-équipée, la Bundeswehr ? C’est ce qui semble ressortir des débats du Bundestag du 27 février, à l'issue desquels a été débloquée une augmentation drastique du budget militaire de l’Allemagne. «Nous allons à partir de maintenant, d’année en année, investir plus de 2 % de notre Produit intérieur brut dans notre défense», a déclaré le chancelier allemand Olaf Scholz lors de la séance, soit 100 milliards d’euros.

Cette décision s’inscrit dans le contexte de l’intervention militaire russe en Ukraine, considérée par les Occidentaux comme une guerre d'invasion. «Nous sommes entrés dans une nouvelle ère», a ainsi plaidé le chancelier allemand devant les députés du Bundestag avant d’annoncer «une augmentation massive des dépenses de la Bundeswehr». Cet objectif s’inscrit au-delà de ceux fixés par les pays membres de l’OTAN, mais constitue surtout un revirement inédit de l’Allemagne en la matière, qui jusqu’alors faisait figure de mauvaise élève au sein de l’Alliance atlantique.

L’Allemagne, qui était également au départ réticente pour engager des sanctions à l’égard de la Russie – tergiversant notamment sur une action par le biais du réseau bancaire Swift – avait également annoncé le 26 février la livraison d’armes à l’Ukraine. La décision sur les armes constitue un revirement politique de taille pour ce pays, dont la position officielle, depuis la Deuxième Guerre mondiale, est de ne pas livrer d'armes «létales» dans les zones de conflit.

Quelles sont les limites conventionnelles concernant l’activité militaire allemande ?

Cette augmentation budgétaire inédite n’a pas été sans provoquer l’interrogation des observateurs quant aux capacités militaires allemandes en raison de son histoire récente. L’Allemagne connaît en effet des restrictions spécifiques en la matière, liées au Procès de Nuremberg qui s'est tenu à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale. La Bundeswehr n’a en effet été créée en 1955 dans l’ex-Allemagne de l’Ouest qu’à la suite de l’échec du traité instaurant la Communauté européenne de défense. Sa constitution est étroitement liée au contexte de Guerre froide et à l’expansion de l’URSS par le biais du Pacte de Varsovie en 1955. La nouvelle armée allemande fut d’ailleurs intégrée au dispositif de l’OTAN et une loi fondamentale allemande proscrit à ce titre toute mission militaire qui n’est pas prévue par les stipulations de l’article V de l’Alliance atlantique.

La mission de l’armée allemande est à ce titre défensive, et l’augmentation budgétaire validée par le Bundestag s’inscrit d’ailleurs en théorie dans cette mission. De même, l’Allemagne ne peut, pour les raisons évoquées, disposer d’armes nucléaires, chimiques ou bactériologiques. Ce sera la France qui encadrera le réarmement de l’Allemagne durant les années 60, laissant par ailleurs peu de place aux Allemands dans le processus décisionnel, comme l'a relevé Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Depuis la fin de la Guerre froide, la Bundeswehr est passée de 500 000 hommes en 1990 à environ 182 000 aujourd’hui ; à titre de comparaison, la France compte un effectif global de 270 000 hommes.