Un demandeur d'asile camerounais accuse des garde-côtes grecs de l'avoir jeté à la mer, avec deux autres hommes qui sont morts noyés au cours d'une opération de refoulement vers la Turquie au large de l'île de Samos en septembre dernier, selon des révélations des médias européens, vigoureusement rejetées par Athènes.
Présenté sous le seul prénom d'Ibrahim et comme étant un ancien de la marine camerounaise, un homme a affirmé que des garde-côtes grecs les avaient frappés «à coups de poing» avant de les «jeter à la mer» sans canot ni gilet de sauvetage, selon l'Allemand Der Spiegel, le Français Mediapart, le Britannique The Guardian, ainsi que l'organisation de journalisme collaboratif Lighthouse Reports, qui a son siège aux Pays-Bas.
Athènes a nié en bloc, le ministre des Migrations et de l'Asile Notis Mitarachi affirmant le 17 février que «la propagande turque sur l'immigration clandestine se traduit souvent par de fausses nouvelles dans les médias».
«En l'absence d'action des autorités turques, les garde-côtes grecs continuent de sauver la vie de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants en mer chaque année. Entre 2015 et 2021, les garde-côtes helléniques ayant secouru plus de 230 000 ressortissants de pays tiers en danger en mer», a fait savoir le ministre, cité dans un communiqué.
Les corps des deux victimes, l'Ivoirien Sidy Keita et le Camerounais Didier Martial Kouamou Nana, avaient été retrouvés par des garde-côtes turcs et des navires de plaisance, les 18 et 20 septembre dernier.
«La Grèce est contre les trafiquants et tous ceux qui exploitent la souffrance humaine»
Ibrahim, qui a depuis déposé une demande d'asile en Grèce, avait réussi à rejoindre à la nage les côtes turques en face de Samos, selon la même source.
Le 14 septembre, Ibrahim avait, avec 35 autres personnes, embarqué à bord d'un canot pneumatique pour rejoindre cette île grecque à partir des côtes turques. Arrivés à Samos, plusieurs membres du groupe auraient subi des violences de la part de garde-côtes grecs et se seraient vu confisquer leurs téléphones portables et leur argent, selon plusieurs témoignages recueillis par ces médias. Certains assurent avoir subi des fouilles dans l'anus et le vagin.
Les trois hommes ont quant à eux été contraints d'embarquer plus tard à bord d'un bateau présenté comme celui de garde-côtes de Samos avant d'être jetés à la mer. Interrogés par ces médias, les garde-côtes grecs ont une nouvelle fois nié toute pratique illégale.
Notis Mitrachi a assuré que la Grèce «protégeait les frontières extérieures de l'Union européenne en conformité avec le droit international et la Charte des droits fondamentaux». «Les autorités nationales indépendantes enquêtent sur toutes les allégations contraires», a-t-il assuré, déplorant toutefois que lorsque ces autorités «demandent des informations et des preuves supplémentaires aux auteurs des ces rapports, ces derniers refusent de les fournir».
Selon Der Spiegel, des avocats grecs préparent une plainte tandis que des avocats turcs ont déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Plusieurs ONG accusent régulièrement la Grèce de mauvais traitements dans les camps de migrants et de refoulements illégaux à sa frontière, ce qu'Athènes dément. «La Grèce n'est pas contre l'immigration légale», a déclaré Notis Mitarachi. «Nous sommes contre les trafiquants et tous ceux qui exploitent la souffrance humaine, soit à des fins économiques, soit à des fins politiques», a-t-il ajouté.
Des dizaines de manifestants se sont rassemblés le 20 février à Athènes pour protester contre la politique de la Grèce et plus largement de l'UE en matière de réfugiés. Les manifestants ont ainsi brandi des banderoles dénonçant le racisme, Frontex et le traitement réservé par l'UE aux réfugiés qui traversent la mer Méditerranée, tout en arborant des slogans tels que «Arrêtez le refoulement, arrêtez les expulsions, arrêtez les attaques racistes, arrêtez de tuer la frontière» et «Aucun être humain n'est illégal».