Le président italien Sergio Mattarella a été réélu ce 29 janvier au terme d'un marathon parlementaire qui a mis au jour les profondes divisions entre les partis au gouvernement dans une période charnière pour la reprise post-Covid.
A 80 ans, Sergio Mattarella, dont le mandat se terminait le 3 février, a été réélu pour un second septennat en recueillant la majorité absolue de 505 suffrages sur 1 009 sénateurs, députés et responsables régionaux appelés à voter. Le dépouillement des bulletins de vote se poursuivait dans l'hémicycle de la Chambre des députés à Rome et le décompte final du scrutin devait être connu avant 21h.
Le poste de président est en Italie largement protocolaire, mais il a un rôle important en cas de crise politique, dans un pays dont le paysage politique est très morcelé. C'est notamment lui qui a le pouvoir de dissoudre le Parlement ou de nommer le président du Conseil italien. Sergio Mattarella avait par ailleurs innové dans la pratique constitutionnelle au cours de son mandat en refusant un gouvernement du fait qu'un ministre proposé par la Ligue était eurosceptique.
L'élection du successeur de Sergio Mattarella s'éternisait depuis le début de la semaine, en l'absence d'accord sur un nom dans un Parlement où ni le centre-gauche ni le centre-droit ne disposent de la majorité. Bien que tous les partis politiques représentés au Parlement, à l'exception de Fratelli d'Italia, fassent partie de la coalition soutenant le gouvernement du Premier ministre Mario Draghi, la droite, la gauche et le Mouvement 5 Etoiles ne parvenaient pas à trouver un consensus.
Au 5e tour, les partis de droite (la Ligue, Forza Italia de Silvio Berlusconi et Fratelli d'Italia) avaient mis en avant la candidature de l'actuelle présidente du Sénat, Elisabetta Casellati, une fidèle du magnat et ancienne chef de gouvernement Silvio Berlusconi, tandis que la gauche et les 5 Etoiles avaient opté pour l'abstention. Toutefois, cette catholique de 75 ans n'avait finalement obtenu que 382 voix sur les 453 qu'elle aurait dû théoriquement obtenir dans son propre camp.
Vers une redite du scénario de l'élection de Giorgio Napolitano
Mario Draghi, ancien chef de la Banque centrale européenne, faisait quant à lui figure avant l'élection de favori pour le poste de président, mais nombreux sont les parlementaires qui rechignaient à voter pour lui, craignant que son départ du gouvernement ne déstabilise l'exécutif au point de provoquer des élections anticipées avant la fin de la législature, prévue en 2023. Son départ aurait fragilisé aussi la reprise de la troisième économie de la zone euro et la mise en œuvre des réformes nécessaires pour bénéficier des dizaines de milliards d'euros du plan européen de relance post-Covid, dont l'Italie est la première bénéficiaire.
«Demandons à [Sergio] Mattarella de rester, pour continuer avec la même équipe, avec [Mario] Draghi» à la tête du gouvernement, a lancé Matteo Salvini plus tôt dans le journée du 29 janvier, après l'échec de la candidate qu'il avait proposée le 28 janvier. Silvio Berlusconi, qui s'était lui aussi porté candidat mais a renoncé, a déclaré que son parti serait prêt à voter pour Sergio Mattarella. «Nous savons que nous lui demandons un grand sacrifice, mais nous savons aussi que nous pouvons le lui demander dans l'intérêt du pays», avait commenté Silvio Berlusconi.
L'idée que le président sortant puisse entamer un nouveau septennat semblait pourtant rejetée par l'ensemble du centre-droit, notamment par la Ligue. Riccardo Molinari, chef de groupe à la chambre basse, avait notamment qualifié cette éventualité de «bizarre».
Sergio Mattarella, qui a déjà effectué un mandat de sept ans tumultueux, entre crises politiques et coronavirus, avait finalement annoncé le 29 janvier qu'il se plierait à la volonté des partis politiques. Selon les médias, Mario Draghi l'a longuement rencontré le 29 janvier pour tenter de le convaincre d'accepter un nouveau mandat. Le Président de la République italienne a déclaré dans la journée : «J'avais d'autres plans, mais si c'est nécessaire je suis là» en ajoutant qu'il prenait «acte de la situation».
Sergio Matterella, ancien juge et ancien membre de la puissante Démocratie chrétienne, était peu connu avant son accession au poste de président en 2015. Il avait néanmoins su gérer un éclatement politique difficile, un rôle apprécié par l'ensemble des partis italiens.
Jusqu'alors, seul Giorgio Napolitano avait brigué un second mandat en 2013, dans des circonstances similaires à celles de Sergio Mattarella, qui lui avait succédé. L'ancien président italien avait d'ailleurs annoncé à l'époque qu'il démissionnerait dès que possible, une fois son successeur désigné. Si en théorie il est possible d'effectuer un second mandat, les présidents de la République italienne s'y sont en effet toujours refusés.
Le résultat des présidentielles italiennes, sans candidats officiels et à bulletins secrets, est traditionnellement difficile à anticiper. A ce jour, le record de l'élection la plus longue est détenu par Giovanni Leone, élu en 1971 au 23e tour de scrutin.