La conservatrice maltaise Roberta Metsola a été élue présidente du parlement européen le 18 janvier, obtenant la majorité absolue dès le premier tour du scrutin, en dépit de son opposition à l'avortement, qui a suscité de nombreuses critiques.
Elle est seulement la troisième femme à accéder à cette fonction, après les Françaises Simone Veil (1979-1982) et Nicole Fontaine (1999-2002), et la première Maltaise. Elle leur a rendu hommage, déclarant espérer «qu'il ne faudra pas deux décennies pour qu'une femme» parvienne de nouveau à ce poste. Elle succède à l'Italien David Sassoli, décédé le 11 janvier et dont le mandat s'achevait cette semaine. Elle dirigera l'institution jusqu'aux prochaines élections européennes, à l'été 2024.
Les convictions de Roberta Metsola sur l'avortement en font-elle un symbole «gênant» ?
Députée européenne depuis 2013 et vice-présidente du Parlement depuis 2020, Roberta Metsola, qui fête ses 43 ans le 18 janvier, avait récemment gagné en visibilité en assurant l'intérim de David Sassoli, éloigné de l'hémicycle par la maladie pendant plusieurs semaines. Cependant, cette mère de 4 enfants s'est aussi attirée les critiques de certains de ses collègues : en cause, ses convictions anti-avortement, une opinion très largement répandue à Malte, dernier pays de l'UE où l'interruption volontaire de grossesse reste complètement illégale.
Clément Beaune, le secrétaire d'Etat français en charge des questions européennes, s'est ainsi dit «gêné par le symbole de son élection», sur France Info le 18 janvier. «La position personnelle de madame Metsola est d'être contre le droit à l'avortement. C'est d'ailleurs la position de tous les responsables politiques maltais. Je le regrette profondément», a-t-il affirmé.
Consciente des réserves qu'elle a suscitées sur cette question, elle a assuré qu'en cas d'élection, son «devoir sera de représenter la position du Parlement», y compris sur les droits sexuels et reproductifs.
L'élection de Roberta Metsola respecte la tradition d'alternance entre gauche et droite à la présidence, qui a quasiment toujours été observée lors des élections de mi-législature au Parlement. Issue du Parti populaire européen (PPE), la première force politique du parlement, Roberta Metsola a obtenu le soutien du S&D (sociaux-démocrates) et de Renew Europe, à la faveur d'un accord conclu le 17 janvier entre les trois formations autour d'une feuille de route commune.
Signe de la sensibilité du positionnement de la nouvelle présidente sur l'avortement, le document mentionne, en première priorité, «l'alignement par le haut des droits des femmes en Europe», y compris sur la «santé sexuelle et reproductive». Cette feuille de route accorde également une attention renforcée au maintien de l’Etat de droit, face aux «violations qui se multiplient et s'enracinent» dans plusieurs Etats membres.
Parmi les autres priorités figurent notamment la protection de l'environnement, avec pour objectif que l'Europe devienne le «premier continent» a compenser intégralement ses émissions polluantes, la mise en place d'un nouveau cadre «fiscal européen» ou l'entrée en vigueur d'une directive sur le salaire minimum.
Elue face à deux autres candidates
Roberta Metsola était opposée à deux autres candidates : l'Espagnole Sira Rego (gauche radicale), et la Suédoise Alice Bah Kuhnke (les Verts). Le Polonais Kosma Zlotowski (ECR, eurosceptiques), qui disposait du soutien du groupe Identité et Démocratie (extrême droite), avait finalement retiré sa candidature dans la nuit.
La nouvelle présidente du Parlement Européen a obtenu 458 votes sur 690 exprimés, sur les 705 eurodéputés appelés à voter. Alice Bah Kuhnke a elle obtenu 101 voix, contre 57 à Sira Rego. En plus du poste de président, pas moins de 14 vice-présidents seront élus au cours de la session, pour un mandat de deux ans et demi. Des postes de responsables dans les commissions parlementaires et délégations européennes seront également renouvelés, alimentant d'âpres tractations entre les groupes politiques.
Selon le règlement du parlement, la présidente dispose d'un certain nombre de pouvoirs, notamment celui de statuer sur la recevabilité des textes et amendements soumis au vote de l'assemblée, en plus de la conduite des débats. Elle représente aussi l'institution lors des sommets européens des Vingt-Sept.