Dans une interview exclusive accordée aux différentes rédactions de RT ce 22 décembre, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a regretté l'attitude des diplomaties occidentales, dénonçant leur manque de remise en question.
Questionné sur les récentes déclarations de son homologue français, Jean-Yves Le Drian — qui avait menacé la Russie de «conséquences stratégiques massives» en cas d'«atteinte à l'intégrité territoriale de l'Ukraine», le 15 décembre à l'Assemblée nationale — Sergueï Lavrov a déclaré : «Nous sommes habitués à ce que nos collègues occidentaux parlent sur un ton condescendant et fassent constamment des déclarations qui reflètent leur perception d’eux-mêmes en tant que maîtres des destinées et qu’hommes politiques sans péché, irrémédiablement convaincus de leur justesse.»
«Les autorités françaises ont déclaré à plusieurs reprises qu'elles allaient exiger quelque chose de nous», a-t-il ajouté, précisant : «Il me semble qu’au cours des dernières semaines, le président de la Russie, ainsi que d’autres représentants des autorités russes, ont abordé à plusieurs reprises le sujet de la prétendue escalade [à la frontière russo-ukrainienne] pour laquelle on menace de nous punir et, à mon avis, [pour laquelle] ils préparent également un paquet de sanctions, au cas où, pour l’avenir.»
Lavrov renvoie les Occidentaux à leurs actions militaires et appelle à respecter les accords de Minsk
«Nous avons expliqué à plusieurs reprises ce que font nos Forces armées sur leur propre territoire, et dans le même temps avons posé des questions : que font les Américains, les Canadiens, les Britanniques ? Que font leurs équipements militaires, leurs équipements offensifs, leur aviation de combat, tout près des frontières de la Fédération de Russie, notamment dans les pays baltes ? Que font leurs navires qui croisent en mer Noire avec des écarts significatifs par rapport aux normes fixées par la Convention de Montreux ? En réponse, nous n’entendons aucune explication intelligible, mais constamment des menaces, des menaces et encore des menaces», a-t-il fait remarquer.
«Je pense qu’au lieu de menacer ainsi sans fondement, il vaudrait mieux que nos collègues européens s’attèlent à leurs responsabilités directes. La France, dans ce cas, avec l’Allemagne, bien sûr, doit forcer Kiev à respecter les accords de Minsk [en l’empêchant de] détourner l’attention, comme il cherche à le faire, en utilisant comme écran de fumée l’accusation visant la Russie selon laquelle nous exacerbons l’escalade et sommes sur le point de conquérir tantôt tout le Donbass, tantôt une partie du Donbass, tantôt toute l’Ukraine», a-t-il prévenu.
Selon Sergueï Lavrov, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait promis de respecter les accords de Minsk mais «une fois devenu président, il s’est rendu compte qu’il ne le voulait pas ou qu’il ne le pouvait pas, ou que les néonazis et autres ultra-radicaux ne le laisseraient pas faire». «Tout le monde le comprend, y compris nos collègues occidentaux, qui entrent dans son jeu», a-t-il regretté, notant par ailleurs que «le sujet de la Crimée est immédiatement apparu, presque comme le symbole principal de la politique étrangère ukrainienne».
Il a appelé le président ukrainien à faire «respecter la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU qui a confirmé l'existence des accords de Minsk».
Il a enfin formulé une «demande» à Jean-Yves Le Drian ainsi qu'aux Occidentaux : «C'est le bon moment de faire respecter les accords de Minsk et ainsi oublier [les] demandes irrationnelles [de Kiev].»
Poutine réclame des «garanties juridiques» à l'OTAN
Le 21 décembre, au cours d'une réunion du Collegium du ministère russe de la Défense, Vladimir Poutine avait réclamé à Washington des «garanties juridiques» visant à assurer la sécurité mutuelle, dans un contexte de tensions entre d'une part l'OTAN et ses alliés, et d'autre part Moscou. «La Russie ne veut pas de conflits armés et d'effusions de sang, nous sommes pour la diplomatie», avait-il ajouté.
Le chef de l'Etat russe avait précisé que sa demande de garanties ne constituait pas un «ultimatum». Estimant que la Russie ne devait pas faire l'objet de «dispositions particulières» de la part des pays européens, il avait en outre affirmé défendre «la sécurité égale et indivisible en Europe».
Il avait néanmoins souligné que la Russie n'hésiterait pas à «répondre de manière adéquate en cas d'agression occidentale», alors que la présence militaire de l'OTAN s'intensifie aux frontières russes. «Le renforcement aux frontières russes des groupements militaires des Etats-Unis et de l'OTAN ainsi que l'organisation de manœuvres militaires d'ampleur constituent une source sérieuse de préoccupation», avait conclu Vladimir Poutine.
Les Etats-Unis, l'OTAN et l'Union européenne accusent avec insistance la Russie d'avoir massé des dizaines de milliers de soldats aux frontières de l'Ukraine et de préparer une agression militaire contre ce pays — une accusation récurrente malgré les démentis de Moscou. Les Occidentaux menacent la Russie de sanctions sans précédent en cas d'invasion mais Washington exclut toute intervention militaire directe sur le terrain.