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Macron annule son déplacement au Mali pour des motifs sanitaires, sur fond de tensions bilatérales

Le président français a annulé son déplacement au Mali pour des raisons de sécurité sanitaire. Il y devait rencontrer pour la première fois le colonel Goïta. Un désistement qui survient dans une période de crispations entre Paris et Bamako.

Emmanuel Macron a annulé le 17 décembre son voyage au Mali prévu pour le 20 décembre, officiellement pour des raisons de sécurité sanitaire liée au Covid. Le président français avait, selon le grand reporter pour RT France Régis Le Sommier, surpris beaucoup de Maliens en annonçant en début de semaine ce voyage pour rencontrer le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, et célébrer Noël avec les troupes françaises, dans un climat de tensions entre Paris et les militaires au pouvoir depuis 2020.

Il était notamment attendu que le chef de l’Etat et l’homme fort du pouvoir militaire malien, qui ne se sont encore jamais rencontrés, discutent de la transition démocratique prévue en février prochain.

«Cette décision a été prise dans un souci de cohérence entre les mesures annoncées au niveau national et l'agenda international du président, et dans un souci de ne pas exposer notre dispositif militaire dans un moment de dégradation de la situation sanitaire en métropole», a expliqué l'Elysée, à l'issue d'un Conseil de défense sanitaire consacré à la cinquième vague de Covid-19.

Cette annulation survient dans une période tumultueuse entre Paris et Bamako. Si bien que certains commentateurs ont suggéré que le motif sanitaire invoqué par la France pour expliquer cette annulation pouvait être un prétexte : «Le variant Omicron a bon dos», titre ainsi Libération, selon qui Emmanuel Macron «évite surtout une rencontre minée avec le colonel Goïta, chef de la junte malienne».

En tout état de cause, selon l'AFP, la présidence française a admis que l'organisation de la rencontre était difficile. Et, d'après la même source, l’annonce le 15 décembre de la venue du président français a été suivie sur le compte Facebook de la télévision publique malienne d’un post à la provenance indéterminée, très critique contre la France. Si la publication a été rapidement retirée, un opposant notoire à l'engagement français au Mali, membre de l’organe législatif du pouvoir dominé par les militaires, Adama Diarra, a même agité le spectre d’une manifestation contre la venue d'Emmanuel Macron, toujours d'après l'AFP.

Deux principaux sujets de crispations : Wagner et la date de transition démocratique

Entre Paris et Bamako, les tensions demeurent principalement sur deux sujets qui fâchent : la durée, trop longue pour Paris, de la «transition» censée ramener les civils au pouvoir et les rumeurs sur l'intérêt de Bamako pour les services de la société militaire privée russe Wagner. Dans une interview accordée à une radio évoquée par l'AFP, le chef de la diplomatie Abdoulaye Diop a maintenu le flou sur ce dossier. «Le gouvernement du Mali n’a signé aucun contrat avec cette société de sécurité privée», a-t-il déclaré. Or, comme le rapporte Régis Le Sommier, le même Abdoulaye Diop estime que «l'argument Wagner est un argument pour empêcher les Maliens de nouer des contacts avec d'autres pays, avec d'autres partenaires».

Quant à la «transition» politique, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) insiste pour que les élections aient lieu le 27 février, prévenant que si d'ici fin décembre «aucun progrès concret n’est fait dans la préparation des élections», des sanctions supplémentaires, «économiques et financières», s'appliqueront à partir du 1er janvier, en plus du gel des avoirs et de l'interdiction de voyage de près de 150 personnalités, a précisé l'organisation africaine. Selon l'analyse de Régis Le Sommier, le délai de février ne sera «clairement pas tenu». «Il y a d'abord la donnée sécuritaire que mettent en avant les Maliens : pour pouvoir organiser des élections, il faut avoir un minimum de sécurité pour que les urnes puissent aller dans certains villages», explique le journaliste. Or, selon lui, le Mali est aujourd'hui un «Etat failli avec des zones entières qui sont sous la coupe de groupes djihadistes ou n'ont plus de services publics». Si le pouvoir malien promet des élections, il semble donc difficile de tenir dans ce contexte le calendrier de fin février pour l'organisation des élections, ce qui ne va pas apaiser la situation avec Paris.

Pour ne rien arranger, au terme de près de neuf ans de présence au Sahel, la France a entrepris en juin de réorganiser son dispositif militaire en quittant ses trois bases les plus au nord du Mali (Tessalit, Kidal et Tombouctou) pour se recentrer autour de Gao et Ménaka, aux confins du Niger et du Burkina Faso. Ce plan prévoit une réduction des effectifs au Sahel, de 5 000 actuellement, à 2 500-3 000 d'ici 2023, et scandalise les autorités maliennes. Le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga a dénoncé un «abandon en plein vol» de la France, incapable selon lui d'enrayer la montée du terrorisme dans le pays. «Les faits sont que le Mali a demandé à la France de l'aider à détruire le terrorisme et à recouvrer l'intégralité de son territoire. Près de neuf ans après, que constatons-nous ? Le terrorisme qui était confiné à Kidal [bastion des rebelles touaregs] s'est étendu à 80% de notre territoire», a-t-il déclaré lors d'une interview publiée le 18 octobre par Le Monde Afrique. «Pendant qu'Al-Qaïda multiplie ses attaques, notre principal allié, en tout cas celui que nous croyions l'être, décide de quitter sa zone d'influence pour se concentrer sur les trois frontières. N'est-ce pas de l'abandon en plein vol ? », a déclaré le Premier ministre.