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«Grave ingérence» : le Cambodge condamne les sanctions de Washington concernant une base navale

Une polémique entoure une base navale cambodgienne que Washington accuse la Chine de convoiter. Phnom Penh estime que les sanctions prises contre deux responsables du ministère cambodgien de la Défense violent le droit international.

Ce 12 novembre, le Cambodge a condamné les sanctions étasuniennes au sujet d'une base navale cambodgienne que Washington accuse Pékin de convoiter, reprochant aux Américains de faire preuve d'un «mépris total» pour sa souveraineté.

Le 10 novembre, le département américain du Trésor a annoncé le gel des éventuels avoirs aux Etats-Unis et l'interdiction d'accès au système financier américain pour deux hauts responsables du ministère cambodgien de la Défense. En outre, ils sont dorénavant interdits d'entrée sur le territoire américain, ainsi que leurs familles. Le directeur général du département logistique du ministère Chau Phirun et le commandant de la Marine royale Tea Vinh ont, selon Washington, détourné des fonds liés au développement de la base navale de Ream, près de la ville côtière de Sihanoukville. Washington leur reproche également la démolition sans préavis, survenue en 2020, de deux bâtiments financés par les Etats-Unis sur cette base militaire.

Un mépris total pour l'indépendance d'un autre pays et [...] une grave ingérence dans ses affaires intérieures

Dans un communiqué, le ministère cambodgien des Affaires étrangères a fait savoir que Phnom Penh estimait que ces sanctions avaient été prises «sur la base d'allégations sans fondement motivées par des motifs géopolitiques». Le porte-parole du ministère a déclaré, cité par Khmer Times : «La campagne de diffamation et la sanction unilatérale des Etats-Unis à l'encontre de personnalités publiques d'un Etat souverain violent non seulement le droit international et les normes fondamentales régissant les relations internationales, mais affichent un mépris total pour l'indépendance d'un autre pays et constituent une grave ingérence dans ses affaires intérieures». Le ministère a averti que la décision étasunienne constituait «un nouveau pas dans la mauvaise direction» pour les relations entre les deux pays, en précisant toutefois que le Cambodge avait «toujours exprimé son désir de relations plus fortes et plus étroites, malgré le passé douloureux avec les Etats-Unis».

Les Etats-Unis voient d'un mauvais œil une potentielle présence chinoise à Ream

La base de Ream est située à un emplacement stratégique sur le golfe de Thaïlande. Elle offre un accès à la mer de Chine méridionale dont la plus grande partie est revendiquée par Pékin. Le gouvernement américain – qui a fait de l'endiguement de la montée en puissance chinoise la priorité de sa politique étrangère – met en garde contre toute implantation militaire chinoise durable au Cambodge.

Lors d'une visite à Phnom Penh en juin 2021, la numéro deux de la diplomatie américaine Wendy Sherman avait ainsi réitéré les protestations de Washington au sujet de «la présence militaire de la Chine» à Ream et de la «construction d'installations» par Pékin sur place. Cela «saperait la souveraineté [du Camboge], menacerait sa sécurité nationale et aurait des répercussions négatives sur les relations américano-cambodgiennes», avait alors prévenu Wendy Sherman.

Pékin affirme toujours plus ses ambitions en mer de Chine méridionale et orientale, suscitant des tensions avec de nombreux pays asiatiques, mais le Cambodge apparaît de plus en plus comme un allié. Le Premier ministre cambodgien Hun Sen a cependant nié à plusieurs reprises que son pays accueillait des militaires chinois sur la base.