«Le gouvernement syrien a signé un accord avec un consortium de compagnies émiraties pour la construction d'une centrale photovoltaïque», a rapporté l'AFP ce 11 novembre. Cette annonce survient deux jours après la visite à Damas du chef de la diplomatie des Emirats arabes unis, critiquée par les Etats-Unis – la première visite d'un haut responsable émirati depuis le début de la guerre syrienne en 2011.
Selon l'agence publique syrienne Sana, il s'agit d'un accord de coopération pour la construction d'«une centrale photovoltaïque d'une puissance de 300 mégawatts» dans la région de Wedyan al-Rabih, non loin de la capitale.
Comme le relève l'AFP, la Syrie mise notamment sur les Emirats, riche pays pétrolier du Golfe, pour sortir de son isolement après 11 ans de guerre qui ont dévasté son économie, dont le secteur de l'énergie. Le mois dernier, le ministre syrien de l'Economie et du Commerce extérieur Mohammad Samer al-Khalil avait estimé que cet accord sur la centrale photovoltaïque ouvrirait la voie à d'autres investissements.
Pour rappel, les Emirats, comme les cinq autres monarchies arabes du Golfe, avaient rompu leurs relations avec Damas en février 2012 dans le contexte de guerre opposant les autorités syriennes aux forces insurgées. Abou Dhabi a annoncé en décembre 2018 la réouverture de son ambassade dans le pays, mais les relations étaient restées froides.
Perspective de réintégration de la Ligue arabe
Ces derniers mois, Damas a poursuivi son désenclavement dans différents secteurs. Mi-octobre, le magazine Newsweek américain consacrait une une au président syrien Bachar el-Assad, annonçant son «retour» sur la scène internationale. A cette occasion, Régis Le Sommier, grand reporter à RT France, avait rappelé que de nombreux pays arabes renouaient avec la Syrie par pragmatisme, prenant acte de la victoire de Bachar el-Assad dans le conflit syrien. «Il y a dix ans, [Bachar el-Assad] avait quasiment perdu le contrôle des 2/3 de son territoire et aujourd'hui, il en a reconquis environ 85%», faisait-il remarquer. Ce regain d'importance de Damas au sein du monde arabe s'est manifesté, entre autres, par des rencontres au cours des derniers mois entre responsables syriens et jordaniens et par la visite de parlementaires libanais en Syrie cet été.
Récemment, des Etats ont évoqué la perspective d'une réintégration de la Syrie dans la Ligue arabe. Le 10 novembre, l'agence Algérie Presse Service rapportait des propos du chef de la diplomatie algérienne, déclarant qu'«il était grand temps pour que la Syrie fasse son retour à la Ligue arabe». Le 9 novembre, le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukri a estimé que Damas réintègrerait la Ligue arabe et le «giron arabe» s'il se montrait en mesure de gérer les conséquences du conflit qui a ravagé le pays, notamment dans leur «dimension humanitaire» et en ce qui concernant le «problème des réfugiés».
La Syrie a également obtenu des avancées hors du monde arabe : l'organisation de coopération policière internationale Interpol a annoncé, le 7 octobre dernier, avoir réintégré la Syrie dans son système d'échange d'informations.
Sur le plan économique, le développement de la Syrie et son ouverture au monde se heurtent toujours aux sanctions occidentales. L'Union européenne a prorogé en mai 2021 et jusqu'au 1er juin 2022 des mesures restrictives contre la Syrie, «compte tenu de la répression qui continue d'être exercée à l'encontre de la population civile dans ce pays». Parmi ces sanctions européennes figurent un embargo pétrolier, des restrictions sur certains investissements et exportations ou encore un gel des avoirs détenus par la Banque centrale de Syrie dans l'UE.
Côté américain, la loi du Caesar Act (adoptée en juin 2020) implique, notamment, le gel de l'aide à la reconstruction de la Syrie et des sanctions contre les entreprises travaillant avec les autorités syriennes, tant que les responsables supposés «de la mort d’innombrables civils et de nombreuses atrocités» n'auront pas été traduits en justice. Cette loi vise aussi des entités russes et iraniennes qui travaillent avec les autorités syriennes.
Pour autant, une dynamique semble à l'œuvre du côté de Washington en faveur de Damas : si l'administration Biden n'a levé aucune sanction anti-syrienne et assure ne soutenir aucunement une «réhabilitation» de Damas, des critiques s'élèvent aux Etats-Unis contre une trop grande passivité de Washington face au retour de la Syrie sur la scène régionale. Or, cette tendance pourrait s'inscrire, plus largement, dans un tournant réaliste de la diplomatie américaine, qui se manifeste notamment par le dialogue établi entre Washington et le groupe islamiste Taliban en Afghanistan – avant même le retour au pouvoir de celui-ci cet été.