Lundi, un jet est arrêté à l’aéroport de Beyrouth. A l'intérieur se trouve pas moins de deux tonnes de pilules de captagon. Son propriétaire, le prince saoudien Abdel Mohsen Ibn Walid Ibn Abdelaziz et quatre autres personnes sont arrêtés. Plus que l’importance de la saisie, c’est le protagoniste central de l’affaire qui interroge.
L’amphet’ du jihad
Le captagon est une amphétamine populaire au Moyen-Orient et dans les pays du Golfe. Pour vous faire une idée, plus de 50 millions de comprimés sont confisqués chaque année en Arabie saoudite. Mais sa célébrité provient du fait qu’elle est largement utilisée par les combattants djihadistes en Irak et surtout en Syrie.
En savoir plus : le captagon, la drogue dure du djihadisme en Syrie
Ses effets annihilent la peur, la faim, l’empathie, la douleur et provoquent l’euphorie. Bref, elle a la réputation de transformer ses consommateurs en machine à tuer. Le magazine Time a évoqué les témoignages de combattants kurdes racontant comment les jihadistes finissaient par tomber après cinq ou six balles reçues. Digne de la scène finale de Scarface.
Mais cette drogue n’est pas seulement consommée par les terroristes. Certains soldats de l’Armée syrienne libre (ASL), rebelles «modérés» soutenus par les Etats-Unis et les monarchies du Golfe, en sont également friands.
Le royaume des Saoud à nouveau dans la tourmente
L’Arabie saoudite, régulièrement accusée d’entretenir le terrorisme en supportant les extrémistes, se retrouve à nouveau au centre des discussions. Que faisait le petit-fils du fondateur du royaume en possession de deux tonnes de captagon ? Cette simple question suffit à s'interroger sur les liens de la monarchie avec la présence massive de cette drogue en Syrie.
Au delà des effets psychotropes, le captagon est une source de revenus de choix. Comme le rappelle le Time, «en matière de profit pur, difficile de battre les amphétamines». Une pilule coûte très peu à produire, se cède pour quelques centimes au Liban et se revend jusqu’à 25 dollars en Arabie saoudite. Avant la guerre, la Syrie n’était que très peu touchée par la consommation d’amphétamines.
Le captagon était majoritairement produit dans des zones reculées de Turquie. Mais très vite, les ennemis du régime ont réalisé l’opportunité financière qu’apporterait la production massive de cette drogue. Des laboratoires clandestins ont vu le jour et il semble qu’ils approvisionnent une partie de la consommation saoudienne et de celle du Moyen-Orient. Une manne de cash très utile…
Pas la première alerte
Les autorités libanaises tirent la sonnette d’alarme depuis un moment sur le trafic de captagon. Il y a quelques années, le colonel Ghassan Chamseddine, à la tête de la lutte contre la drogue dans son pays, avait raconté comment les pilules, cachées dans des camions, passaient de Syrie au Liban d’où elles partaient, via les ports, directement dans les pays du Golfe. «Cela vient de Syrie, la plupart de la production vient de là bas», rappelait-il.
Les douaniers du pays au cèdre disent avoir intercepté 15 millions de pilules de captagon dans le port de Beyrouth l’année dernière.