Le contentieux entre Varsovie et Bruxelles sur le manque d'indépendance des juges est monté d'un cran le 27 octobre avec la condamnation de la Pologne à une astreinte d'un million d'euros par jour par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Cette décision sanctionne le non-respect par la Pologne d'un arrêt de la CJUE qui avait ordonné le 14 juillet la cessation immédiate des activités de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise.
Dans une première réaction, Varsovie a accusé la Cour d'«outrepasser et d'abuser» de ses compétences en matière de sanctions financières, par la voix d'un secrétaire d'Etat à la Justice, Sebastian Kaleta. «La CJUE méprise et ignore complètement la Constitution polonaise et les arrêts du Tribunal constitutionnel. Il opère en dehors de ses compétences et abuse de l'institution des sanctions pécuniaires et des mesures provisoires», a-t-il dénoncé.
Le chef du gouvernement conservateur polonais, Mateusz Morawiecki, s'était récemment engagé à abolir cette chambre, dont la suppression avait déjà été annoncée en août par Varsovie, mais qui continue à fonctionner.
Cet organe, mis en place dans le cadre d'une réforme de la justice polonaise, est chargé de superviser les juges, avec le pouvoir de lever leur immunité pour les exposer à des poursuites pénales ou de réduire leurs salaires.
La CJUE avait estimé en juillet que cette chambre «n'offrait pas toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance [et n'était] pas à l'abri d'influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif».
«Le respect des mesures provisoires ordonnées le 14 juillet est nécessaire afin d'éviter un préjudice grave et irréparable à l'ordre juridique de l'Union européenne ainsi qu'aux valeurs sur lesquelles cette Union est fondée, notamment celle de l'Etat de droit», a souligné la Cour le 27 octobre.
Une sanction financière avait été réclamée à la Cour le 7 septembre par la Commission européenne au motif que «les systèmes judiciaires de l'UE doivent être indépendants et équitables». Selon une source européenne, l'astreinte devait s'appliquer dès le 27 octobre, une fois la Pologne notifiée de l'ordonnance rendue par la Cour.
Contexte électrique
Varsovie est engagé dans un bras de fer avec Bruxelles depuis plusieurs années à propos des réformes judiciaires engagées par le parti conservateur nationaliste au pouvoir (PiS), accusées de saper le pouvoir des juges.
Les tensions se sont encore exacerbées à la suite d'une décision datée du 7 octobre du Tribunal constitutionnel polonais, qui a décrété certains articles des traités européens incompatibles avec la Constitution nationale. Un coup de tonnerre pour les Européens, qui y voient une attaque sans précédent contre la primauté du droit de l'UE et le respect des décisions de la Cour. Le plan de relance post-Covid de la Pologne, d'un montant de 36 milliards d'euros, est actuellement gelé par la Commission qui réclame des garanties sur l'indépendance du système judiciaire polonais.