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«Coup dans le dos», «décision à la Trump» : la France réagit à la rupture du «contrat du siècle»

Les autorités françaises multiplient les déclarations indignées après l'annonce choc d'un accord stratégique entre les Etats-Unis, l'Australie et la Grande-Bretagne impliquant la rupture d'un contrat de 2016 de fourniture de sous-marins français.

La France a déploré le 15 septembre un «coup dans le dos» australien et une décision «brutale» de Joe Biden après l'annonce d'un accord stratégique entre Washington, Camberra et Londres qui a conduit à la rupture du contrat de fourniture de sous-marins français à l'Australie, surnommé le «contrat du siècle». Cette annonce spectaculaire torpille une gigantesque commande de sous-marins conventionnels passée par l'Australie à la France en 2016.

«C'est vraiment un coup dans le dos», «une rupture de confiance majeure», a regretté le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian sur France Info, se disant «vraiment très en colère». «Cette décision unilatérale, brutale, imprévisible ressemble beaucoup à ce que faisait Donald Trump», a-t-il ajouté. A la question du journaliste Marc Fauvelle lui demandant si «on s'est fait avoir par les Américains qui ont négocié en douce avec les Australiens pour nous piquer ce qui était le contrat du siècle», Jean-Yves Le Drian a acquiescé en ces termes : «Je pense que vous analysez à peu près bien la situation.» «Mais ça ne se fait pas entre alliés !», s'est-il exclamé.

Même indignation du côté de la ministre française des Armées Florence Parly qui a jugé la décision «grave» regrettant «une très mauvaise nouvelle pour le respect de la parole donnée». «En matière de géopolitique et de politique internationale, c'est grave», a-t-elle dénoncé sur RFI, s'étant également dite «lucide sur la façon dont les Etats-Unis traitent leurs alliés».

Outrée, la France plaide pour l'autonomie stratégique européenne

Le choix de l'Australie de se doter de sous-marins à propulsion nucléaire en partenariat avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, au détriment d'un contrat passé avec l'industriel français Naval Group, est une «décision regrettable», a affirmé ce 16 septembre le gouvernement français dans un communiqué dénonçant à la fois les agissements australiens et américains dans ce dossier.

«C'est une décision contraire à la lettre et à l'esprit de la coopération qui prévalait entre la France et l'Australie, fondée sur une relation de confiance politique comme sur le développement d'une base industrielle et technologique de défense de très haut niveau en Australie», a dénoncé le ministère des Affaires étrangères. «Le choix américain qui conduit à écarter un allié et un partenaire européen comme la France d'un partenariat structurant avec l'Australie, au moment où nous faisons face à des défis sans précédent dans la région indo-pacifique [...] marque une absence de cohérence que la France ne peut que constater et regretter», a-t-il ajouté.

Nous allons devoir nous interroger sur l’attitude récurrente de certains de nos alliés

«La décision regrettable qui vient d'être annoncée [...] ne fait que renforcer la nécessité de porter haut et fort la question de l'autonomie stratégique européenne. Il n'y a pas d'autre voie crédible pour défendre nos intérêts et nos valeurs dans le monde», a poursuivi le ministère.

Paris dément avoir été informé en amont de la décision australienne

Dans un message transmis à l'AFP, l'ambassade de France à Washington a démenti avoir été mise au courant de la décision de Canberra avant qu'elle ne soit rendue publique. «Nous n'avons pas été informés de ce projet avant la publication des premières informations dans la presse américaine et australienne, qui elles-mêmes ont précédé de quelques heures l'annonce officielle de Joe Biden», a ainsi déclaré le porte-parole de l'ambassade Pascal Confavreux. «De hauts responsables de l'administration américaine ont été en contact avec leurs homologues français pour discuter de "AUKUS" [l'acronyme en anglais de ce nouveau partenariat], y compris avant l'annonce», avait auparavant fait savoir un responsable anonyme de la Maison blanche auprès de l'agence presse.

De son côté, le Sénat français a évoqué «une décision grave aux conséquences lourdes» et s'interroge sur «la nature exacte» de la relation entre Paris et Washington. «Nous allons devoir nous interroger sur l’attitude récurrente de certains de nos alliés, qui se comportent plus comme des adversaires que comme des concurrents loyaux», a déclaré Christian Cambon, le président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. 

Comme le rappelle Le Monde, le président français qui recevait le 15 juin le Premier ministre australien Scott Morrison à l’Elysée évoquait, au sujet du contrat des 12 sous-marins français un «pilier [du] partenariat et de la relation de confiance entre [les] deux pays». «Un tel programme repose sur le transfert de savoir-faire et de technologie et va nous lier pour les décennies à venir», ajoutait Emmanuel Macron.