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La France paniquée par la perspective d'un contrat entre le Mali et une société privée russe

Le gouvernement français a exprimé ses craintes quant à un potentiel accord passé entre Bamako et la société de sécurité privée russe Wagner. La France aurait-elle peur de perdre sa prépondérance au Mali ?

La perspective d'un partenariat entre les autorités maliennes et une société de sécurité privée russe semble inquiéter Paris au plus haut point. Le 14 septembre, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a fait savoir que la France pourrait retirer ses troupes du Mali, si les autorités de transition s'alliaient avec l'entreprise Wagner. «C'est absolument inconciliable avec notre présence», a-t-il lancé devant la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale. De même, la ministre française des Armées Florence Parly a jugé qu'un tel accord «serait extrêmement préoccupant et contradictoire, incohérent» avec l'action de la France au Sahel.

De source française proche du dossier et citée par l'AFP, les autorités maliennes étudient la possibilité d'un contrat avec Wagner sur le déploiement d'un millier de personnes, afin de former les forces armées et d'assurer la protection des dirigeants. Sollicité par l'agence de presse, le ministère malien de la Défense a reconnu mener des pourparlers avec cette société, tout en précisant «discut[er] avec tout le monde».

Confusion occidentale entre une société privée et un Etat

La réaction paniquée de la France devant les projets supposés de Wagner doit être analysée en tenant compte d'un élément : la confusion, dans le discours de la France et plus largement des chancelleries occidentales, entre cette société privée russe et le gouvernement russe. L'AFP rappelle ainsi que Wagner «est accusé, notamment par la France, d'agir pour le compte du Kremlin là où il ne veut pas apparaître de manière trop officielle». L'Allemagne a d'ailleurs abondé en ce sens ce 15 septembre, lorsque sa ministre de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, a déclaré sur Twitter : «Si le gouvernement du Mali passe de tels accords avec la Russie, cela contredit tout ce que l'Allemagne, la France, l'Union européenne et l'ONU ont fait au Mali depuis 8 ans» – «la Russie» semblant être utilisé ici en lieu et place de «Wagner»...

Cette confusion exaspère Moscou, qui a toujours démenti tout lien avec la fameuse société de sécurité privée. Ce 15 septembre, la Russie a répété qu'elle ne prévoyait aucune négociation quant à l'instauration d'une présence militaire dans le pays sahélien : «Il n'y a aucun représentant des forces armées russes là-bas [...] et aucune négociation officielle n'est en cours», a rappelé le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Celui-ci a précisé que les autorités russes avaient des «contacts dans le domaine militaire avec beaucoup de pays, y compris ceux situés sur le continent africain». 

Ce trait d'équivalence entre une société privée et Moscou, qui imprègne le discours des Occidentaux, est d'autant plus significatif qu'il semble exclusif à la Russie. Paris ne paraît pas s'inquiéter, par exemple, de l'implication aux quatre coins du monde la société américaine BlackWater, qui fait pourtant partie des entreprises de sécurité privée dont les actions suscitent régulièrement la controverse. En décembre dernier, par exemple, BlackWater avait défrayé la chronique après que le président américain Donald Trump avait gracié quatre de ses employés, qui avaient été condamnés à une peine de prison pour avoir massacré 14 civils dont deux enfants à Bagdad (Irak) en 2007.

Paris inquiet de perdre son «pré carré» malien ?

En tout état de cause, la France semble exprimer ses craintes de voir son influence relativisée au Mali – où elle est encore prédominante, Paris intervenant militairement en soutien aux autorités contre les forces djihadistes, dans le cadre de l'opération Barkhane.

En effet, selon le directeur de Stratpol Xavier Moreau, invité sur RT France, Bamako pourrait jouer de la perspective offerte par Wagner pour gagner en indépendance sur certains dossiers : «Pour les autorités maliennes, c'est un très bon moyen de faire pression sur la France, pour les obliger d'une part à peut-être s'investir davantage et surtout à ne pas vouloir s'immiscer dans les affaires intérieures», note l'analyste politique, qui souligne que la France a «toujours des prétentions à vouloir instaurer la démocratie telle qu'elle l'entend partout dans le monde».

Les autorités maliennes, analyse Xavier Moreau, sont d'autant plus en mesure de négocier que les Etats africains sont «désormais courtisés pour différentes raisons politico-stratégiques, notamment leur poids au sein de l'Assemblée des Nations unies». Plus qu'un projet destiné à substituer l'alliance avec Paris à une autre, cet éventuel contrat avec Wagner viserait donc surtout à rendre le Mali moins dépendant d'une seule puissance.