«Les gouvernements européens ont été dépassés par la crise migratoire et l'opinion publique a perdu patience», constate Erik Prince. «Si rien n'est fait, c'est l'existence même de l'Union européenne qui est menacée», fait valoir le fondateur de la société militaire privée Blackwater. «J'ai la solution», annonce-t-il dans un éditorial publié dans le Financial Times, mettant en avant son expérience «dans le business militaire».
La proposition de l'ancien Marine et homme d'affaires : stopper les flux migratoires à la source, notamment en Libye, en facturant à l'Union européenne ses mercenaires. Ces derniers, basés aux frontières de la Libye avec l'Algérie et le Tchad, encadreraient les forces de police locales. Pour ce faire, Erik Prince suggère un partenariat «public-privé» entre les gouvernements européens et sa société Frontier Service Group qu'il a fondée après avoir vendu la sulfureuse Blackwater, connue pour avoir appuyé l'armée (d'Etat) américaine en Irak jusqu'en 2007 pour plus d'1 milliard de dollars.
La Libye, «bouchon» de la bouteille africaine
Jusqu'en 2011, cette surveillance de la méditerranée et des flux migratoires transsahariens était assurée par les garde-côtes et la police des frontières du gouvernement libyen. «Je veux bien me faire comprendre [...] si on déstabilise, on ira à la confusion, à Ben Laden, à des groupuscules armés. Voilà ce qui va arriver, vous aurez l'immigration, des milliers de gens qui iront envahir l'Europe depuis la Libye. Et il n'y aura plus personne pour les arrêter», prophétisait Mouammar Kadhafi, lors de l'intervention occidentale en Libye, qui devait provoquer sa chute et sa mort.
Alors que la privatisation de la sécurité des frontières de l'Union européenne n'est plus tout à fait de la science fiction, du moins pour Erik Prince, les eurodéputés ont décidés en novembre 2016 de la refonte Frontex, l'agence supranationale de «coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres, et dont le financement dépend de l'Union européenne.
Montée en puissance et refonte de Frontex
Afin de faire face à la crise migratoire, un nouveau corps permettra de projeter quelque 1 500 gardes-frontières sur n'importe quelle frontière extérieure de l'espace Schengen. Cette Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (EBCG, en Anglais) peut passer intervenir sans même l'autorisation des Etats membres.
La Commission européenne a désormais pouvoir d'adopter une «décision d'exécution» permettant le déploiement de cette force, même si l'Etat membre concerné par la situation de crise refuse de prendre les mesures jugées nécessaires par Bruxelles.
Alexandre Keller
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