Le 10 septembre, une délégation de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a rencontré les militaires à Conakry en Guinée, cinq jours après le putsch, pour rendre compte de la situation de l'ancien président Alpha Condé, toujours captif.
La Cédéao avait condamné le jour même le putsch mené par le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, contre Alpha Condé, 83 ans, vétéran de la politique ouest-africaine, exigeant le «retour à l'ordre constitutionnel» dans ce pays pauvre mais regorgeant de ressources minières, notamment de bauxite.
«Nous avons vu le président, il va bien», a déclaré le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Alpha Barry, au terme de cette mission de quelques heures.
«Le président Alpha Condé va bien», a confirmé le président de la Commission de la Cédéao, Jean-Claude Kassi Brou, précisant que la rencontre avait eu lieu «au quartier général de la junte».
«Nous avons eu des échanges très positifs» avec les militaires, a assuré Jean-Claude Kassi Brou. «Nous allons rendre compte aux chefs d'Etat des résultats de nos échanges», a-t-il ajouté.
La délégation comprenait également la ministre des Affaires étrangères ghanéenne Shirley Ayorkor Botchwey, dont le pays assure la présidence tournante de l'organisation, et ses homologues nigérian Geoffrey Onyeama et togolais Robert Dussey.
Elle a d'abord rencontré pendant près de deux heures dans un grand hôtel de Conakry un représentant de la junte, le colonel Balla Samoura. Après une interruption, les discussions à huis clos ont repris, cette fois en présence du lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, arrivé sous une imposante escorte militaire à bord de véhicules blindés.
Un accord de principe pour libération de l'ancien président ?
A la fin de la visite, la secrétaire générale du ministère des Affaires étrangères, Fanta Cissé, en charge de la diplomatie à la suite de l'éviction de tous les membres du gouvernement par les militaires, a évoqué un accord de «principe» pour la libération d'Alpha Condé, réclamée par la communauté internationale.
«Il est difficile de répondre tout de suite à une requête» de cette nature dans les conditions actuelles, a souligné Fanta Cissé, mais «le principe est acquis», a-t-elle déclaré à l'aéroport, encadrée par des officiers. Cette mission a coïncidé avec l'annonce par l'Union africaine (UA) de la suspension de la Guinée de ses instances, comme l'avait déjà fait la Cédéao le 8 septembre lors d'un sommet par visioconférence.
Les dirigeants ouest-africains ont «exigé le respect de l'intégrité physique» d'Alpha Condé, sa libération et «le retour immédiat à l'ordre constitutionnel». Aucune sanction économique n'a été évoquée.
L'ambassade américaine a exprimé le 10 septembre son «soutien» à l'initiative de la Cédéao, s'inquiétant des possibles conséquences du putsch «sur la paix et la stabilité régionales».
Les putschistes promettent une «concertation» nationale
La Cédéao se retrouve dans une situation comparable à celle qu'elle a connue au Mali voisin en août 2020. A la suite d'un putsch similaire, elle avait pris des sanctions essentiellement économiques et suspendu le pays de l'organisation.
Ces sanctions avaient été levées à la suite de l'engagement des militaires maliens sur la voie d'une transition de 18 mois maximum pour rendre le pouvoir à des dirigeants civils issus d'élections.
Comme au Mali, les militaires guinéens peuvent se prévaloir d'une certaine popularité, comme en attestent les manifestations de joie observées dans différents quartiers de Conakry, encore alimentée par la libération le 7 septembre d'un premier groupe de dizaines d'opposants au pouvoir déchu, et la floraison spontanée d'affiches à la gloire du lieutenant-colonel Mamady Doumbouya.
Réunis au sein d'un «Comité national du rassemblement et du développement» (CNRD), ils ont justifié leur coup de force par la nécessité de mettre fin à «la gabegie financière» ainsi qu'au «piétinement des droits des citoyens».
Ils ont dissous le gouvernement et les institutions et aboli la Constitution qu'avait fait adopter Alpha Condé en 2020 et qui avait ensuite invoqué ce changement de loi fondamentale pour se représenter après deux mandats, malgré des mois de contestation réprimée dans le sang. Les putschistes ont promis une «concertation» nationale en vue d'une transition politique confiée à un futur «gouvernement d'union nationale», sans autre précision, notamment en termes de calendrier.
Aucun décès lié au putsch n'a été rapporté officiellement. Mais des médias guinéens ont fait état d'une dizaine à une vingtaine de morts dans les rangs de la garde présidentielle, des informations invérifiables faute d'accès aux hôpitaux.