Des tirs nourris d'armes automatiques retentissaient ce 5 septembre dans le centre de Conakry, capitale de la Guinée, et de nombreux soldats étaient visibles dans les rues, ont rapporté plusieurs témoins à l'AFP dans la matinée. Selon le magazine Jeune Afrique, il s'agirait d'une tentative de putsch menée par les éléments du Groupement des forces spéciales (GPS), «une unité d’élite de l’armée aussi bien entrainée qu’équipée», précise le magazine.
A sa tête, toujours selon Jeune Afrique, le colonel Mamady Doumbouya, «un Malinké originaire de la région de Kankan». L'homme est ancien légionnaire de l’armée française rappelé en Guinée pour prendre la tête de ce corps créé en 2018. «Ces derniers mois, sa volonté d’autonomiser le GPS par rapport au ministère de la Défense avait suscité la méfiance du pouvoir de Conakry. En mai, des rumeurs infondées faisant part de sa possible arrestation avaient même circulé dans la capitale guinéenne», précise encore Jeune Afrique.
Des habitants joints au téléphone à Kaloum (une des communes de Conakry) ont fait état de tirs soutenus. S'exprimant anonymement pour assurer leur sécurité, ils ont déclaré avoir vu de nombreux soldats intimant aux résidents de rentrer chez eux et de ne pas en sortir.
L'accès à la presqu'île de Kaloum est restreint du fait de sa géographie. Les forces de sécurité peuvent aisément la bloquer.
Un diplomate occidental a dit à l'AFP n'avoir «aucun doute» sur le fait qu'une tentative de coup d'Etat était en cours, conduit par les forces spéciales guinéennes. Selon ses informations, cette unité d'élite a pris au moins temporairement le palais présidentiel.
Les employés du service diplomatique russe dans la capitale de la Guinée, où la fusillade a été entendue, n'ont pas souffert, aucune plainte n'a été reçue des Russes, a déclaré l'ambassade à l'agence RIA Novosti. L'ambassade de Russie a exhorté les Russes présents dans le pays à ne pas quitter leur domicile à cause d'une forte aggravation de la situation.
Depuis des mois, ce pays d'Afrique de l'Ouest parmi les plus pauvres du monde, malgré des ressources minières et hydrologiques considérables, est en proie à de profondes crises politique et économique, aggravées par la pandémie de Covid-19.
La candidature du président Alpha Condé à un troisième mandat le 18 octobre 2020 a provoqué, avant et après l'élection, des mois de tensions qui ont causé des dizaines de morts dans un pays coutumier des confrontations politiques sanglantes. L'élection a été précédée et suivie par l'arrestation de dizaines d'opposants.
Alpha Condé, un président contesté
Alpha Condé, 83 ans aujourd'hui, a été définitivement proclamé président pour un troisième mandat le 7 novembre, malgré les recours de son principal challenger, Cellou Dalein Diallo, et de trois autres candidats qui dénonçaient des «bourrages d'urnes» et des irrégularités de toutes sortes.
Des défenseurs des droits de l'Homme fustigent une dérive autoritaire observée au cours des dernières années de la présidence Condé et remettant en cause les acquis du début.
Alpha Condé, ancien opposant historique, emprisonné et même condamné à mort, était devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des décennies de régimes autoritaires. Les militaires s'étaient emparés du pouvoir par la force en 2008 après la mort du président Lansana Conté.
Alpha Condé a rejoint aux yeux de ses adversaires et de maints défenseurs de la démocratie les rangs des dirigeants africains se maintenant au pouvoir au-delà du terme prévu, de plus en plus souvent en usant d'arguments légaux.
Il avait fait adopter en mars 2020, malgré une contestation déjà vive, une nouvelle Constitution pour, disait-il, «moderniser (les) institutions» et, par exemple, accorder une plus grande place aux femmes et aux jeunes.
L'opposition dénonçait un «coup d'Etat» constitutionnel. La contestation a été durement réprimées à plusieurs reprises. Le président se targue d'avoir fait avancer les droits de l'Homme et d'avoir redressé un pays qu'il dit avoir trouvé en ruines.
Il se défendait en octobre 2020 sur Radio France Internationale et France 24 de vouloir instaurer une «présidence à vie». La nouvelle Constitution lui permet théoriquement de se représenter dans six ans, une éventualité sur laquelle il s'est gardé de se prononcer.