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Guinée : l'ONU appelle à la libération d'Alpha Condé après un coup de force militaire

En Guinée-Conakry, des putschistes ont déclaré avoir capturé le président Alpha Condé et ont affirmé «dissoudre» les institutions ce 5 septembre. Le ministère de la Défense a pourtant affirmé que l'attaque contre la présidence avait été repoussée.

La situation était encore confuse à Conakry, le soir du 5 septembre : des putschistes ont affirmé dans la journée avoir capturé le chef d'Etat, tandis que le ministère guinéen de la Défense a assuré que cette attaque des forces spéciales contre la présidence avait été «repoussée».

Ce même jour, les officiers des forces spéciales qui ont affirmé avoir capturé Alpha Condé ont annoncé l'instauration d'un couvre-feu dans tout le pays «jusqu'à nouvel ordre», ainsi que le remplacement des gouverneurs et préfets par des militaires dans les régions. Dans un second communiqué lu dans la soirée à la télévision nationale, ils ont aussi dit convoquer les ministres sortants et les présidents des institutions à une réunion le 6 septembre à Conakry.

En tout état de cause, le chef de l'ONU António Guterres a «condamn[é] fermement toute prise de pouvoir du gouvernement par la force» dans le pays et appelé «à la libération immédiate du président Alpha Condé», en fin d'après-midi.

Plus tard dans la journée la France, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, a elle aussi appelé à la libération «immédiate et sans condition» du président guinéen et condamné la «tentative de prise de pouvoir par la force». Paris demande également le «retour à l’ordre constitutionnel», a fait savoir le porte-parole adjoint du Quai d'Orsay.

Le président de l'Union africaine – et président de la République démocratique du Congo – Felix Tshisekedi et le chef de la Commission de l'organisation Moussa Faki Mahamat ont de leur côté enjoint dans une déclaration commune le Conseil de paix et de sécurité de l'UA à se réunir d'urgence pour examiner la situation et prendre les mesures appropriées.

Les putschistes disent avoir capturé le président Condé

Selon la Défense guinéenne, les insurgés ont «semé la peur» à Conakry avant de prendre la direction du palais présidentiel, et «la garde présidentielle, appuyée par les forces de défense et de sécurité, loyalistes et républicaines, ont contenu la menace et repoussé le groupe d'assaillants».

Les putschistes ont eux déclaré avoir capturé le président Alpha Condé et projettent de «dissoudre» les institutions. «Nous avons décidé, après avoir pris le président, qui est actuellement avec nous [...] de dissoudre la Constitution en vigueur, de dissoudre les institutions. Nous avons décidé aussi de dissoudre le gouvernement et la fermeture des frontières terrestres et aériennes», a déclaré le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, au nom d'un «Comité national du rassemblement et du développement», au côté de putschistes en uniforme et en armes. Une vidéo de cette déclaration a été adressée à un correspondant de l'AFP. La séquence a également abondamment circulé sur les réseaux sociaux, mais n'a pas été diffusée à la télévision nationale.

Mamady Doumbouya a en outre annoncé la fermeture des frontières terrestres et aériennes du pays.

Dans d'autres images relayées sur les réseaux sociaux, auprès desquels le correspondant de l'AFP a confirmé la provenance, le chef d'Etat guinéen apparaît cerné par des hommes en uniforme. Ceux-ci lui demandent s'il a été maltraité et Alpha Condé, en jeans et chemise sur un canapé, refuse de leur répondre.

Tirs et mouvements militaires à Conakry

Des tirs nourris d'armes automatiques avaient retenti ce 5 septembre dans le centre de Conakry, capitale de la Guinée, et de nombreux soldats étaient visibles dans les rues, selon plusieurs témoins cités par l'AFP dans la matinée. Selon le magazine Jeune Afrique, la tentative de putsch est bel et bien menée par des éléments du Groupement des forces spéciales (GPS), «une unité d’élite de l’armée aussi bien entraînée qu’équipée». 

Mamady Doumbouya, à sa tête, est un ancien légionnaire de l’armée française, rappelé en Guinée pour prendre la tête de ce corps créé en 2018. «Ces derniers mois, sa volonté d’autonomiser le GPS par rapport au ministère de la Défense avait suscité la méfiance du pouvoir de Conakry. En mai, des rumeurs infondées faisant part de sa possible arrestation avaient même circulé dans la capitale guinéenne», précise le magazine. 

Alpha Condé, un président contesté 

Alpha Condé, 83 ans aujourd'hui, a été proclamé président pour un troisième mandat le 7 novembre dernier, malgré les recours de son principal challenger, Cellou Dalein Diallo, et de trois autres candidats qui dénonçaient des «bourrages d'urnes» et des irrégularités de toutes sortes.

Lorsqu'Alpha Condé a fait adopter en mars 2020 une nouvelle Constitution pour «moderniser (les) institutions» et, par exemple, accorder une plus grande place aux femmes et aux jeunes, l'opposition a dénoncé un «coup d'Etat» constitutionnel. La contestation a été durement réprimée à plusieurs reprises, selon l'AFP.

Le président s'est défendu en octobre 2020 sur Radio France Internationale et France 24 de vouloir instaurer une «présidence à vie». La nouvelle Constitution lui permet théoriquement de se représenter dans six ans, une éventualité sur laquelle il s'est gardé de se prononcer.