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Le gouvernement britannique a-t-il créé un faux site internet destiné aux migrants illégaux ?

Le ministère de l'Intérieur du Royaume-Uni aurait mis en place une campagne de publicité à destination des migrants illégaux en transit en France et en Belgique. Le but sous-jacent ? Les dissuader de rejoindre l'île britannique.

Le ministère britannique de l'Intérieur a-t-il créé un site internet trompeur à destination des migrants pour les dissuader de se rendre au Royaume-Uni ? C'est en tout cas ce qu'affirme The Independent ce 31 juillet. Sous l'appellation On the move («Prendre la route»), une plateforme prétend «fournir aux migrants en transit des informations gratuites, fiables et importantes» sur leur périple.

On the move, hébergé par un domaine en .org généralement utilisé par les associations caritatives, ne fait pourtant aucune référence à ses liens avec le gouvernement du Royaume-Uni. The Independent affirme qu'il a été créé en avril 2020, à l'aide d'un système d'enregistrement crypté qui dissimule les informations personnelles des concepteurs du site.

Dès la page d'ouverture, la plateforme invite les demandeurs d'asile à envoyer leurs questions à On The Move par courrier électronique, celles-ci étant redirigées vers le gouvernement britannique, selon le média. Le site explique dans sa partie «informations» que le Royaume-Uni «renvoie régulièrement les personnes qui entrent par des moyens illégaux», et que conduire un canot à travers la Manche «est un crime».

Il est aussi demandé à toute personne visitant le site si elle «envisage de se rendre au Royaume-Uni de manière illégale». En cliquant sur «oui», l'internaute est redirigé vers une page avec des liens consacrés aux dangers du voyage, aux «risques juridiques» et aux «réalités» de la vie en Europe. Le site Web contient également une page sur la meilleure façon de «retourner volontairement dans son pays d'origine».

Des publicités ciblées en anglais, kurde, arabe, persan et pachto

Plus largement, dans le cadre d'une campagne visant à dissuader les migrants se trouvant en France et en Belgique de tenter d'entrer irrégulièrement au Royaume-Uni, le gouvernement britannique aurait également payé 23 200 livres (environ 27 000 euros) pour diffuser dans les deux pays francophones des publicités ciblées sur Facebook et Instagram en anglais, kurde, arabe, persan et pachto entre décembre et avril dernier, selon l’agence de presse PA. Renvoyant vers le site On the move, les publicités affichaient des slogans comme «ne mettez pas votre vie ou celle de votre enfant en danger», «nous vous ramènerons» ou «il n'y a pas d'endroit où se cacher».

Nous n'avons pas à nous excuser

L'opposition a rapidement dénoncé le procédé, le travailliste Nick Thomas-Symonds, secrétaire d'Etat à l'Intérieur du cabinet fantôme, déclarant que «la gestion chaotique du ministère de l'Intérieur par Priti Patel a conduit à dépenser des milliers de livres d'argent des contribuables pour une campagne publicitaire fausse, honteuse et déshumanisante». «Nous avons besoin d'une politique d'asile qui se concentre sur la lutte contre les gangs qui profitent du trafic d'êtres humains, la réouverture de routes sûres et légales et l'abandon du projet de loi inefficace du gouvernement qui enfreint la Convention sur les réfugiés», a-t-il ajouté.

Clare Moseley, fondatrice de l'association caritative Care4Calais, a déclaré à The Independent être «choquée que [le] gouvernement [britannique] soit déterminé à consacrer plus de temps et d'argent à dissuader et à induire en erreur les personnes vulnérables». «Ceux qui arrivent sur nos côtes sont souvent traumatisés, ayant effectué des voyages mettant leur vie en danger pour s'échapper de certains des pays les plus dangereux du monde. Il est temps que ce gouvernement fasse preuve de compassion et intensifie son aide», a-t-elle développé.

Dan O'Mahoney, nommé en août 2020 à la tête de la lutte contre les traversées illégales de la Manche, a expliqué au média qui a révélé le procédé que face à «une augmentation inacceptable des traversées dangereuses et inutiles», cette «campagne de communication visait à dissuader les migrants situés en France et en Belgique qui avaient l'intention de tenter d'entrer au Royaume-Uni par canots ou cachés dans des camions».

Selon lui, ces publicités et ce site trompeur comportaient «une série de messages importants, soulignant le risque de réaliser ces voyages mortels». «Nous n'avons pas à nous excuser d'avoir fourni des informations essentielles et potentiellement vitales», a-t-il justifié au nom du gouvernement britannique.