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«Viginum» : Castex officialise la création d'un service contre les ingérences numériques étrangères

Directement rattachée à Matignon, la structure affiche l'ambition de répondre au «défi majeur de la menace informationnelle et des ingérences étrangères dans le débat public». L'initiative soulève cependant certaines interrogations.

Le Premier ministre Jean Castex a officialisé le 13 juillet par décret la création d'une agence nationale de lutte contre les manipulations de l'information en provenance de l'étranger. Ce «Service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères», également baptisé «Viginum», sera actif à partir du mois de septembre.

Rattachée à Matignon via le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), la structure aura pour mission de répondre au «défi majeur de la menace informationnelle et des ingérences étrangères dans le débat public», selon le compte-rendu du Conseil des ministres, cité par l'AFP.

«Identifier les opérations impliquant un Etat étranger ou une entité non étatique étrangère»

Plus précisément, Viginum devra «identifier des opérations impliquant [...] un Etat étranger ou une entité non étatique étrangère et visant à la diffusion [...] d'allégations ou d'imputations de faits manifestement inexactes ou trompeuses de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation». Analystes, ingénieurs ou encore «experts des médias» : le service devrait compter quelque 50 contributeurs début 2022.

Le 2 juin déjà, le SGDSN avait annoncé que la France s'apprêtait à créer une agence nationale de lutte contre les manipulations de l'information en provenance de l'étranger visant à «déstabiliser l'Etat». Une agence créée, entre autres, dans l'optique des échéances électorales du printemps 2022. Conscient du fait que cette agence puisse être considérée comme un outil d'influence en ligne au service de l'exécutif français à un an de la présidentielle, le SGDSN avait promis la «transparence totale» sur ses actions.

Cependant, pour certains analystes, ces garanties du gouvernement ne sont pas convaincantes. Interrogé par RT France, l'éditorialiste Alexis Poulin a par exemple estimé que la création de cette agence était une tentative «malsaine» de contrôler l'information. «En ligne de mire [de ce nouveau dispositif] se trouvent les "ennemis officiels" russes désigné, alors qu'on ne fait pas grand cas des écoutes de la NSA.» «Par ailleurs, rien ne sera fait contre la désinformation ou la propagande qui vient de l'Etat français lui-même», avait-il entre autres estimé.

Selon le narratif gouvernemental repris par l'AFP, c'est plutôt une première expérimentation amorcée l'an dernier qui serait à l'origine du projet. Après l'assassinat en octobre 2020 de l'enseignant Samuel Paty par un islamiste, une campagne antifrançaise avait fleuri sur les réseaux sociaux. L'exécutif avait alors chargé une cellule baptisée «Task Force Honfleur» de détecter et de caractériser cette initiative, qui s'avérera d'origine turque.

D'autres pays ou groupes d'Etats se sont également d'ores et déjà dotés de structures comparables. L'Union européenne par exemple a créé en 2015 «East Strat Comm», spécifiquement consacrée à lutter contre les manipulations... attribuées à la Russie.