L'incertitude a plané jusqu'à la dernière minute : l'ex-président sud-africain Jacob Zuma, condamné à 15 mois de prison ferme pour outrage, s'est finalement constitué prisonnier le 7 juillet avant minuit. Une demi-heure avant la fin de l'ultimatum, un convoi d'une dizaine de voitures a quitté à vive allure la résidence de Jacob Zuma à Nkandla, en pays zoulou (Est), selon l'AFP sur place. Il n'a été ni vu, ni entendu mais jusque tard dans la soirée, bien après le couvre-feu fixé à 21 heures, des dizaines de partisans ont chanté et dansé, certains portant des bandeaux traditionnels en peau de bête.
Emprisonnement du combattant de la liberté
C'est finalement par un tweet que la nouvelle est tombée : «Le président Zuma a décidé de se conformer à l'ordre d'incarcération. Il est en route vers un établissement correctionnel» dans la province du Kwazulu-Natal, a déclaré la fondation qui le représente. Le ministère de la Police a confirmé peu après qu'il avait été «placé en détention». Ce n'est pas «un aveu de culpabilité», a toutefois souligné le porte-parole de Jacob Zuma, Mzwanele Manyi. L'ex-président a été condamné pour avoir évité obstinément de répondre aux questions d'une commission d'enquête sur la corruption. Une de ses filles, Dudu Zuma-Sambudla, a ironisé sur les réseaux sociaux «célébrer l'emprisonnement du combattant de la liberté», qui a passé dix ans au pénitencier de Robben Island aux côtés de Nelson Mandela.
Aux alentours de 01h30 (23h30 GMT), sous forte présence policière, un convoi est entré dans l'enceinte de la prison d'Escourt Située à plus de 200 km de la résidence de l'ex-président. C'est là que «M. Jacob Gedleyihlekisa Zuma a été admis pour commencer à purger sa peine», a déclaré l'administration pénitentiaire dans un communiqué.
Jacob Zuma, 79 ans, a été condamné la semaine du 28 juin par la plus haute juridiction du pays. Ne s'étant pas rendu de lui-même avant dimanche, la police avait ordre de l'arrêter au plus tard le 7 juillet à minuit (22H00 GMT). Familier des tribunaux, Jacob Zuma a obtenu que la Cour constitutionnelle réexamine sa sentence le 5 juillet. Il avait aussi réclamé la suspension de son arrestation d'ici là, mais la décision du tribunal doit être rendue le 9 juillet.
Entre protestations de Jacob Zuma et flottements de l'action judiciaire
Ces recours en justice ont fait planer l'incertitude sur son incarcération. La police elle-même avait laissé entendre ces derniers jours qu'elle pourrait renoncer à arrêter Jacob Zuma. Dans un courrier adressé à la Cour constitutionnelle, elle avait annoncé qu'elle n'interviendrait pas avant l'aboutissement des recours judiciaires. Mais dans une volte-face le 7 juillet matin, le ministre de la Police Bheki Cele a affirmé n'être «pas prêt à affronter des accusations d'outrage à la justice» pour ne pas avoir exécuté l'ordre.
Pas besoin que j'aille en prison aujourd'hui
Mettant en cause l'impartialité des juges, Jacob Zuma a mis en avant un état de santé «instable», arguant qu'une incarcération «reviendrait» à le «condamner à mort» dans le contexte de la pandémie.
Le 3 juillet, il avait aussi prévenu, après avoir régalé ses partisans de plaisanteries, qu'il fallait s'attendre à des violences si la police «osait» l'arrêter. Le lendemain, il lançait, provocateur : «Pas besoin que j'aille en prison aujourd'hui». Mais peu après l'annonce de sa mise en détention, les groupes de supporters rassemblés à Nkandla s'étaient évaporés.
Jacob Zuma est accusé d'avoir pillé les ressources publiques pendant ses neuf années au pouvoir (2009-2018). Depuis la création en 2018 d'une commission d'enquête sur la corruption d'Etat, Jacob Zuma, mis en cause par une quarantaine de témoignages, a multiplié les manœuvres pour éviter de témoigner. Le porte-parole du Congrès national africain (ANC) au pouvoir, Pule Mabe, a salué une victoire pour l'«Etat de droit et l'indépendance de la justice» dans cette jeune démocratie. Englué dans les scandales, Jacob Zuma avait été poussé à la démission en 2018. Son successeur Cyril Ramaphosa a fait de la lutte contre la corruption un cheval de bataille.