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«Erreur stratégique», «décision opaque» : des Suisses critiquent le choix du F-35 américain

Le choix du gouvernement suisse de sélectionner le F-35, l'avion de combat américain au détriment du Rafale s'est attiré de nombreuses critiques, comme le fait que cet avion serait «surdimensionné» et aurait des «lacunes en matière de sécurité».

Le 30 juin, La Confédération helvétique a publié un communiqué annonçant que «le Conseil fédéral [allait] proposer au Parlement l’acquisition de 36 avions de combat de type F-35A du fabricant américain Lockheed Martin». Le F-35A a remporté l'adhésion du Conseil fédéral face à d'autres candidats comme l'Eurofighter de Airbus, le F/A-18 Super Hornet de Boeing, ou encore le Rafale de Dassault. Une décision qui s'est attiré la critique de membres de l'opposition et de médias francophones, les médias alémaniques apparaissant quant à eux plus convaincus, comme le précise le quotidien Le Temps.  

Dans un communiqué, les Verts (le parti écologiste suisse) ont estimé que le Conseil fédéral choisit «un luxueux avion de combat américain, surdimensionné pour les tâches de police aérienne et présentant plusieurs lacunes en matière de sécurité».

Le président des Verts Balthasar Glättli a rappelé sur Twitter qu'il avait dit en 2013 que «la bataille de l'avenir [serait] une bataille de cultures sur nos toits pour récolter plus de chaleur et d'énergie solaire, et non une bataille gagnée avec le F-35A», avant d'appeler à «combattre les avions de chasse américains» en signant une initiative intitulée «Stop F-35!».

Cette initiative populaire – droit qui permet à un nombre donné de citoyens de proposer qu'un texte soit soumis en votation populaire – lancée par la gauche et le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA). s'oppose à l’achat de l'avion de combat américain. Ceux-ci estiment que «le F-35 connaît de nombreux problèmes techniques, est complètement surdimensionné pour les besoins de la Suisse et est extrêmement cher». «De plus, avec cet avion de combat, les services secrets étatsuniens seront toujours à bord. Ce choix est donc absolument scandaleux du point de vue démocratique», peut-on également sur le site internet de l'initiative. «On peut considérer qu’il s’agit là d’un antiaméricanisme primaire, il n’en reste pas moins que cet appel au peuple peut retarder, voire couler l’achat des nouveaux jets», juge le média 24 Heures.

Le Parti socialiste suisse a lui aussi relayé l'initiative sur son compte Twitter, en considérant que «la décision du Conseil fédéral d'acheter 36 avions de combat américains de luxe F-35A [était] totalement incompréhensible».

Des médias fustigent une erreur politique et géostratégique 

Dans un article intitulé «L'erreur stratégique de Viola Amherd», le quotidien Le Temps estime que la ministre de la Défense helvète s'est «réfugiée derrière des arguments techniques et économiques pour justifier l’achat de 36 avions américains F-35». «Elle semble, malheureusement, avoir oublié les critères politiques et géostratégiques», déplore le quotidien, avant de préciser la situation en ces termes : «La ministre de la Défense n’a cessé de marteler le même argument : les critères sont objectifs, cet avion présente le meilleur rapport coûts/bénéfices. Or ce point est peu convaincant et peut être contesté selon la manière de calculer. Par ailleurs, ces avions sont très critiqués sur le plan technique. Y compris aux Etats-Unis où un récent rapport du Pentagone a comptabilisé 871 déficiences. La question de la protection des données et de la souveraineté interpelle également.»

«Une décision aussi sensible que l’acquisition d’un nouvel avion de combat doit prendre en compte tous les aspects, dont la question géostratégique», rappelle également Le Temps, qui estime «qu’à cette condition, ce sont clairement les appareils européens – le français Rafale ou l’anglo-italo-hispano-allemand Eurofighter – qui s’imposaient».

Pour la Tribune de Genève, le choix du F-35 est un «trou d'air» car «la Suisse inflige un nouveau camouflet aux pays de l’Union européenne après avoir déchiré le projet d’accord institutionnel». «Il y a peut-être aussi une dimension politique cachée pour le Conseil fédéral», s'interroge le média helvète.

Le quotidien fribourgeois La Liberté estime quant à lui que l'achat d'aéronefs est un «signal désastreux» et une «décision opaque».