La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova a commenté ce 24 juin sur son compte Telegram, la mort de John McAfee dans sa cellule de la prison en Espagne, peu après qu'un tribunal a ordonné son extradition aux Etats-Unis où il est accusé de fraude fiscale : «Je voudrais que pour une fois, le mystère de cette mort très médiatisée soit élucidé avant les 50 prochaines années.»
Je voudrais que pour une fois, le mystère de cette mort très médiatisée soit élucidé avant les 50 prochaines années
En cause : les conditions du décès de cet Américain, créateur du célèbre logiciel antivirus McAfee, que la diplomate russe a mis en parallèle avec un tweet de l'intéressé datant du 15 octobre 2020, peu après son arrestation, dans lequel il écrivait : «Je suis content [de mes conditions de détention]. J’ai des amis. La nourriture est bonne. Tout va bien. Vous devez savoir que si je me pends "à la Epstein", ce ne sera pas ma faute.»
Interrogé le 24 juin par l'agence Reuters, Javier Villalba, l'avocat de John McAfee a pour sa part déclaré qu'il était «en contact téléphonique permanent» avec son client et «qu'à aucun moment il n'avait montré une inquiétude ou un indice particulier qui aurait pu nous laisser penser que cela aurait pu arriver».
Javier Villalba a ajouté que la mort de John McAfee était particulièrement douloureuse «car il n'était en aucun cas justifié que cet homme reste en prison».
Une position que semble partager Maria Zakharova, qui dans une publication sur son compte Telegram, a dressé un parallèle avec la situation du lanceur d'alerte Julian Assange. Maria Zakharova s'est ainsi dit «d'accord à 100%» avec Ewdard Snowden, qui a déclaré qu'«Assange pourrait être le suivant». De fait, le lanceur d'alerte américain exilé en Russie a tweeté après la mort de John McAfee : «L'Europe ne devrait pas extrader les personnes accusées de crimes non violents vers un système judiciaire si injuste – et un système carcéral si cruel – que les accusés [...] préféreraient mourir plutôt que d'y être soumis. Julian Assange pourrait être le prochain. Jusqu'à ce que le système soit réformé».
La porte-parole de la diplomatie russe a commenté de manière sibylline les propos de Snowden : «Assange a subi des pressions, il a été torturé, et nous n’avons à l'heure actuelle pas la moindre idée de ce qu’ils font de lui. Ensuite, les Anglo-Saxons vont publier un communiqué ne contenant qu’une petite ligne, disant que "l’âme du poète n’a pas supporté la honte des injures mesquines", et c’est tout. L’Occident sait comment mener de telles opérations, ils ont de l’expérience». Le fondateur de WikiLeaks est actuellement en détention au Royaume-Uni, dans l'attente de l'examen de l'appel formé contre le refus de son extradition vers les Etats-Unis, où il risque 175 ans de prison pour avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700 000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan.
Autopsie pour vérifier si John McAfee s'est bien suicidé
Comme le rappelle l'AFP, John McAfee, 75 ans, a été retrouvé mort le soir du 23 juin dans sa cellule de la prison Brians 2 située près de Barcelone dans le nord-est de l'Espagne. «Il s'est apparemment suicidé», a expliqué une porte-parole des autorités pénitentiaires de Catalogne, sans fournir de détails. Une enquête a été ouverte et une porte-parole des autorités judiciaires de Catalogne a fait savoir qu'une autopsie allait être pratiquée dans les prochains jours afin de confirmer qu'il s'agissait bien d'un suicide.
Après avoir fait fortune avec son antivirus dans les années 1980, l'homme d'affaires américain était devenu un spécialiste des cryptomonnaies grâce auxquelles il affirmait gagner 2 000 dollars par jour et était suivi par près d'un million de personnes sur Twitter.
Il avait été arrêté début octobre 2020 à l'aéroport de Barcelone, juste avant d'embarquer à bord d'un avion à destination d'Istanbul, au lendemain de la publication par un procureur américain d'un acte d'accusation le visant notamment pour avoir omis de déclarer des millions de dollars de revenus issus de la promotion de cryptomonnaies. Il avait alors été placé en détention provisoire.
Selon la justice américaine, John McAfee a aussi dissimulé des biens, notamment immobiliers, un yacht et une voiture en les mettant au nom d'autres personnes. Il risquait de se voir infliger une peine allant jusqu'à trente ans de prison, toujours selon l'AFP.
L'entrepreneur avait aussi été inculpé en mars par la justice américaine pour avoir promu auprès de ses fans sur Twitter plusieurs opérations liées aux cryptomonnaies sans leur dire qu'il allait probablement en retirer de coquettes sommes.
Sa femme Janice, par ailleurs, s'est longtemps plainte de la dureté, sur les plans physique et mental, des conditions de détention de son époux, déclarant le 20 juin dernier sur Twitter : «Les autorités américaines sont déterminées à voir John mourir en prison [...] il n'y a aucun espoir qu'il ait jamais un procès équitable en Amérique».