Durant sa conférence de presse à l'issue de sa rencontre avec Joseph Biden le 16 juin à Genève, Vladimir Poutine a répondu à plusieurs questions ayant trait au respect des droits de l'homme. Il s'est par exemple exprimé sur la très récurrente rhétorique accusatoire en la matière adoptée par l'administration américaine à l'encontre de la Russie.
Les tirs depuis des drones ou des hélicoptères contre des personnes de toute évidence civiles en Irak, qu’est-ce que c’est ? Qui en est responsable ? Qui est le tueur ?
Soulignant que tout dirigeant politique se retrouvait, d'une manière ou d'une autre, «responsable de tout ce qui se pass[ait] dans [son] pays», le président russe a décidé de renvoyer la balle à ses détracteurs américains en évoquant dans un premier temps le phénomène de criminalité outre-Atlantique. «Chaque jour quelqu’un est tué dans les rues des villes américaines, y compris des leaders de diverses organisations. On n’a pas le temps de dire un mot, et on se fait déjà tirer dans la poitrine ou dans le dos, peu importe qu'il y ait des enfants à côté», a-t-il commenté. Et Vladimir Poutine de poursuivre son raisonnement en pointant par ailleurs les conséquences meurtrières de l'interventionnisme militaire américain à travers le monde. «Prenez l’exemple de l’Afghanistan. 120 personnes tuées dans une seule frappe, des mariages pris pour cible une fois, deux fois. Admettons qu’il s’agissait d’une erreur, ça arrive aussi, mais les tirs depuis des drones ou des hélicoptères contre des personnes de toute évidence civiles en Irak, qu’est-ce que c’est ? Qui en est responsable ? Qui est le tueur ?», a alors interrogé le chef d'Etat russe.
Guantanamo fonctionne toujours, cela va à l’encontre de tout – du droit international, des lois américaines, de tout – [...] Est-ce cela les droits de l’homme ?
Et Vladimir Poutine d'enfoncer le clou concernant la question du respect des droits de l’homme dans certaines prisons américaines basées en dehors du territoire national. «Guantanamo fonctionne toujours, cela va à l’encontre de tout – du droit international, des lois américaines, de tout –, mais cela existe toujours. Des prisons de la CIA ont été ouvertes à l’époque dans divers pays, y compris dans des pays européens, où on recourait à la torture. Est-ce cela les droits de l’homme ? Je ne pense pas», a-t-il déclaré avant d'inclure directement son auditoire à son propos : «Il est peu probable que quelqu’un dans la salle soit d’accord avec le fait qu’on protège les droits de l’homme de cette manière.»
Au cours de cette même conférence de presse, Vladimir Poutine a également été interrogé par une journaliste américaine sur l'emprisonnement et la mort d'opposants en Russie. Le chef d'Etat a ici souligné que de telles problématiques pouvaient se poser «dans tous les pays».
Il est en effet revenu sur l'intrusion, le 6 janvier, de manifestants américains au Capitole. «Concernant ceux qui sont tués ou mis en prison… Après les élections [américaines], des gens sont entrés au Congrès avec des revendications politiques. Des poursuites pénales ont été engagées contre plus de 400 personnes. Elles risquent des peines allant jusqu’à 20, voire 25 ans de prison. Elles sont considérées comme des terroristes intérieurs, accusées de plusieurs autres crimes. 70 personnes ont été arrêtées immédiatement après ces événements et 30 d’entre elles sont toujours en détention. Pour quels motifs ? On ne sait pas car aucune des autorités officielles américaines ne nous en informe. Plusieurs personnes y sont mortes, l’une des participantes a été tuée par balle par un policier sur place alors qu’elle ne menaçait pas le policier avec une arme. Dans de nombreux pays se passent des choses similaires à ce qui se passe chez nous. Je tiens à souligner une fois encore que nous compatissons [avec les Américains] face à ce qui est survenu aux Etats-Unis, mais nous ne voulons pas laisser la même chose se produire chez nous», a entre autres répondu le président russe à son interlocutrice.
Une analogie qui n'a pas laissé Joseph Biden indifférent puisque le président américain a dénoncé plus tard dans la soirée, lors de sa propre conférence de presse, des «comparaisons ridicules». L'actuel locataire de la Maison blanche a en effet a reproché à son homologue russe d'avoir établi une fausse équivalence entre «une attaque de criminels» sur le Capitole et les manifestations pacifiques de gens privés de leur liberté d'expression en Russie.
En dépit des multiples divergences entre les deux chefs d'Etat, Vladimir Poutine a de son côté qualifié sa rencontre avec le président des Etats-Unis de «pragmatique» et «fructueuse». Tout en se gardant de faire des pronostics sur une possible amélioration des relations bilatérales entre Moscou et Washington, le président russe a décrit Joseph Biden comme un partenaire constructif et expérimenté, assurant que les deux dirigeants avaient parlé «le même langage». En faisant référence à Léon Tolstoï, Vladimir Poutine a estimé qu'il n'y avait pas de bonheur éternel dans la vie mais que ses éclairs étaient très précieux. «On ne peut pas parler de confiance mais des éclairs se sont manifestés [au cours de notre rencontre], c'est une bonne chose», a-t-il ainsi déclaré à la presse.