Le candidat de gauche à la présidentielle au Pérou, Pedro Castillo, en tête avec 50,12% des voix à l'issue du dépouillement, a rejeté le 15 juin les appels à annuler le scrutin pour «fraude» lancés par des soutiens de son adversaire de droite Keiko Fujimori.
«J'exige des autorités électorales qu'elles fassent en sorte qu'une fois pour toutes, nous cessions de nous éterniser et de maintenir le peuple péruvien dans l'angoisse, et que la volonté du peuple de ce pays soit respectée», a lancé Pedro Castillo devant ses partisans à Lima après l'annonce du dernier décompte des bulletins de vote. «Cette nuit ne doit pas être seulement celle de la jubilation, mais aussi celle de la grande responsabilité. Ne nous laissons pas entraîner par l'illusion [...] C'est aujourd'hui que démarre la vraie bataille pour en finir avec les grandes inégalités dans notre patrie», a ajouté le candidat de gauche.
L'autorité électorale poursuit l'examen des recours en annulation du scrutin, déposés principalement par la candidate de la droite populiste Keiko Fujimori, fille de l'ex-président Alberto Fujimori (1990-2000). Elle s'est quant à elle dite confiante pour remporter l'élection, car «le plus important reste à faire», à savoir évaluer ses recours. «Nous avons confiance dans les organes électoraux et dans la volonté du peuple. Nous savons que lorsqu'ils analyseront ces irrégularités, ils nous donneront raison», a affirmé la candidate de droite.
Selon le dernier décompte officiel portant sur 100% des bulletins, neuf jours après le scrutin, Pedro Castillo l'emporte avec 50,12% contre 49,87% pour son adversaire, soit environ 45 000 voix d'avance pour l'instituteur et syndicaliste de 51 ans.
Le scrutin a été qualifié de «positif» et sans «graves irrégularités» par la mission d'observation électorale de l'Organisation des Etats américains (OEA). Mais Keiko Fujimori, 46 ans, qui est dans le collimateur de la justice pour une affaire de corruption et risque 30 ans de prison, dénonce des «fraudes» et a demandé l'invalidation de plusieurs dizaines de milliers de bulletins.
Le 14 juin, le député et amiral en retraite, Jorge Montoya, a appelé à l'annulation du scrutin et à la tenue de «nouvelles élections avec des observateurs internationaux», estimant que le système électoral péruvien «n'est plus digne de confiance». Il fait partie des 64 généraux et amiraux à la retraite qui, à l'instar de Keiko Fujimori, ont mis en doute la transparence du deuxième tour de la présidentielle. Le ministère de la Défense a affirmé dans un communiqué que ce groupe d'officiers retraités «ne représente pas les forces armées».
«Je pense que nous ne devons pas nous précipiter et encore moins utiliser des mots déplacés comme "fraude" et attendre les résultats calmement», a exhorté de son côté le président par intérim Francisco Sagasti.
Aucune date
«La démocratie a des règles et des délais que nous devons tous respecter», a mis en garde le 15 juin à la radio RPP le cardinal Pedro Barreto à propos des appels à l'annulation des élections. L'Eglise catholique «est disponible» pour une médiation, une fois les résultats officiels annoncés, a-t-il ajouté.
La Haute-Commissaire des Nations unies aux droits humains, Michelle Bachelet, avait appelé dès la veille au «calme pour éviter de nouvelles fractures sociales» dans le pays de 33 millions d'habitants.
Aucune date n'a encore été donnée pour la proclamation des résultats définitifs et l'autorité électorale est sous la pression des partisans des deux candidats, qui manifestent quotidiennement à Lima. «La position prise par un groupe de droite est séditieuse, mais le pays est calme», a estimé auprès de l'AFP l'analyste Hugo Otero, ancien conseiller de l'ancien président social-démocrate Alan Garcia. L'universitaire péruvienne Lucia Dammert, qui réside au Chili, a estimé sur Twitter que «quand on perd une élection, il faut assumer ses erreurs».
Le Pérou est marqué par une forte instabilité institutionnelle à l'origine de nombreuses crises politiques ces dernières années. La dernière, en novembre 2020, a conduit le pays à avoir trois présidents se succéder en une semaine.