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Génocide au Rwanda : la France a «des responsabilités» mais «n'a pas été complice», dit Macron

Le président français a tenu un discours depuis le Mémorial du génocide de Kigali. Ayant promis «une page nouvelle de notre relation avec le Rwanda et l’Afrique», Emmanuel Macron a expliqué venir «reconnaître» les «responsabilités» de la France.

Le président français Emmanuel Macron a tenu ce 27 mai un discours depuis Kigali, au Rwanda, où il est en visite. Le chef de l'Etat a choisi de s'exprimer depuis le Mémorial du génocide, l'une des étapes de sa visite.

«Je viens reconnaître nos responsabilités» dans le génocide de 1994, a-t-il expliqué, soulignant néanmoins que la France n'avait «pas été complice». «La France a un rôle, une histoire et une responsabilité politique au Rwanda», a-t-il ajouté. Paris a d'ailleurs, selon lui, fait «trop longtemps prévaloir le silence sur l'examen de la vérité». «Seuls ceux qui ont traversé la nuit peuvent peut-être pardonner, nous faire le don de nous pardonner», a-t-il estimé à ce sujet. Emmanuel Macron a enfin précisé que «reconnaître ce passé, notre responsabilité» était «un geste sans contrepartie». Le chef d'Etat français a ensuite annoncé la nomination prochaine d'un ambassadeur français au Rwanda, où le poste est vacant depuis 2015 en raison des tensions entre les deux pays sur le rôle de la France dans le génocide de 1994. «La normalisation de nos relations ne peut s'engager sans cette étape», a fait valoir Emmanuel Macron.

Le discours tenu par Emmanuel Macron était un acte d'«immense courage», a déclaré le président rwandais Paul Kagame dans la foulée. «Ses paroles avaient plus de valeur que des excuses. Elles étaient la vérité»", a-t-il illustré. «Cette visite parle du futur, pas du passé. La France et le Rwanda vont beaucoup améliorer leurs relations au bénéfice de nos peuples, économiquement, politiquement et dans le domaine de la culture», a également affirmé Paul Kagame.

Le président d'une des plus importantes associations de soutien aux victimes du génocide des Tutsi a de son côté regretté que le président français Emmanuel Macron n'ait pas présenté «clairement des excuses» dans son discours sur le rôle de la France dans le génocide. «On s'attendait à ce qu'il présente clairement des excuses au nom de l'Etat français. Il ne l'a pas fait. Même demander pardon, il ne l'a pas fait», a déclaré à l'AFP le président d'Ibuka Egide Nkuranga. Toutefois, a-t-il ajouté, le président Macron «a vraiment essayé d'expliquer le génocide, comment ça s'est passé, ce qu'ils n'ont pas fait, leurs responsabilités [...] C'est très important, ça montre qu'il nous comprend.» 

Avant d'entamer son voyage, Emmanuel Macron avait promis : «Au cours des prochaines heures, nous allons écrire ensemble une page nouvelle de notre relation avec le Rwanda et l’Afrique.»

Le rôle joué par la France dans le génocide du Rwanda fait l'objet de tensions entre les deux pays. Seul président avant Emmanuel Macron à s'être rendu à Kigali depuis le génocide de 1994, Nicolas Sarkozy avait alors reconnu en 2010 de «graves erreurs» et une «forme d'aveuglement» des autorités françaises ayant eu des conséquences «absolument dramatiques».

Une «lourde responsabilité» pointée dans des rapports

En mars 2021, un rapport d'historiens commandé par Emmanuel Macron, dirigé par Vincent Duclert et consacré au rôle joué par Paris dans ces événements avait conclu à des «responsabilités lourdes et accablantes» ainsi qu'à l'«aveuglement» du président socialiste de l'époque François Mitterrand et de son entourage face à la dérive raciste et génocidaire du gouvernement hutu, alors soutenu par la France.

Un autre rapport réalisé par un cabinet d'avocats américains et publié ce 19 avril, affirme lui aussi que la France «porte une lourde responsabilité pour avoir rendu possible» le génocide «prévisible» des Tutsi en 1994, qui a fait plus de 800 000 morts en trois mois, entre avril et juillet 1994, selon l'ONU.

Le rapport de près de 600 pages n'a pas pu établir de preuves quant à la participation de responsables ou de personnels français aux tueries, entre avril et juillet 1994. Mais il rejette l'idée que Paris était «aveugle» face au génocide qui se préparait, comme l'a récemment estimé le rapport de l'historien français Vincent Duclert, remis fin mars au président Emmanuel Macron qui l'avait commandé.

Le rapport du cabinet américain souligne de son côté que la France a été un «collaborateur indispensable dans l'établissement d'institutions qui deviendraient des instruments du génocide». «Aucun autre Etat étranger n'avait connaissance du danger représenté par les extrémistes rwandais tout en appuyant ces mêmes extrémistes [...] Le rôle du pouvoir français a été singulier», pouvait-on encore y lire.