Des avocats américains, auteurs d'un rapport commandé par le Rwanda et publié ce 19 avril, affirment que la France «porte une lourde responsabilité pour avoir rendu possible» le génocide «prévisible» des Tusti en 1994, qui a fait plus de 800 000 morts en trois mois.
Commandée en 2017 au cabinet Levy, l'enquête estime que la France savait qu'un génocide se préparait mais a continué à apporter «un soutien indéfectible» au président hutu Juvénal Habyarimana. Ce soutien a perduré même lorsque «leurs intentions génocidaires étaient devenues patentes».
Le rapport de près de 600 pages n'a pas pu établir de preuves quant à la participation de responsables ou du personnel français aux tueries, entre avril et juillet 1994. Mais il rejette l'idée que Paris était «aveugle» face au génocide qui se préparait, comme l'a récemment estimé le rapport de l'historien français Vincent Duclert, remis fin mars au président français Emmanuel Macron qui l'avait commandé. La commission Duclert a conclu que si «rien ne vient démontrer» qu'elle s'est rendue complice, la France porte des «responsabilités lourdes et accablantes» dans la tragédie, en étant notamment «demeurée aveugle face à la préparation» du génocide.
L’Etat français a mené une opération de camouflage afin d’enterrer son passé au Rwanda
Le rapport du cabinet américain souligne de son côté que la France a été un «collaborateur indispensable dans l'établissement d'institutions qui deviendraient des instruments du génocide». «Aucun autre Etat étranger n'avait connaissance du danger représenté par les extrémistes rwandais tout en appuyant ces mêmes extrémistes [...] Le rôle du pouvoir français a été singulier. Pourtant, l'Etat français n'a toujours pas reconnu son rôle et ne s'en est toujours pas officiellement excusé», peut-on y lire.
Les auteurs du rapport accusent également la France d'avoir fait obstruction à leur enquête en ignorant ses demandes de documents, écrivant plus généralement qu'«au cours des vingt-cinq dernières années, l’Etat français a mené une opération de camouflage afin d’enterrer son passé au Rwanda».
Le rôle de la France dans le génocide empoisonne depuis des années les relations entre Paris et Kigali. Le président Paul Kagame, qui a pris la tête du Rwanda après le génocide, a salué après sa sortie le rapport français, estimant qu'il s'agissait d'un «important pas en avant». Il doit se rendre à Paris les 18 et 19 mai au sommet sur le financement des économies d’Afrique subsaharienne et à une rencontre portant sur le Soudan, alors qu'Emmanuel Macron devrait effectuer en mai une visite officielle à Kigali dont les dates ne sont pas encore arrêtées, comme le rappelle l'hebdomadaire Jeune Afrique.