Tandis que le leader de Pegida, Lutz Bachmann, a appelé ses troupes à une nouvelle manifestation lundi à Dresde, dans l'Est de l'Allemagne, la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré dans un entretien au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung que «les citoyens ne devraient pas suivre ceux qui descendent dans la rue remplis de haine et d'hostilité envers les autres».
La chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri) Nele Wissmann a expliqué à l'AFP que Pegida ou «mouvement des Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident» n'a plus rien à voir avec ce qu'il était à l'époque de son lancement en octobre 2014 à Dresde par l'ancien cambrioleur de 42 ans, Lutz Bachmann.
Selon la chercheuse, le mouvement protestait à l'origine surtout contre les élites du pouvoir, l'establishement, et était composé de nombreux électeurs déçus par les partis traditionnels, même si son noyaux était bien d'extrême droite. «Mais depuis cet automne, il s'est radicalisé et s'est focalisé sur les réfugiés», poursuit-elle.
Symbole de ce durcissement : une potence, brandie lundi lors d'une manifestation et «réservée» à la chancelière Angela Merkel et à son vice-chancelier Sigmar Gabriel. L'image a suscité l'indignation en Allemagne et déclenché l'ouverture d'une enquête.
Depuis quelques semaines, la dirigeante allemande est devenue la cible privilégiée de Pegida qui cogne avec une férocité inédite sur elle et sa politique de la main tendue aux réfugiés.
Les attentats contre Charlie Hebdo et la crise migratoire comme élément déclencheur
Les attentats contre le mensuel satirique français en janvier 2015 à Paris ont ramené en quelques jours plus de 25 000 manifestants dans les rangs de Pegida jusque-là composé de quelques centaines de membres, le mouvement surfant sur la vague de la peur de l'islam radical.
Pourtant, en quelques semaines, miné par des conflits internes, le mouvement a quasiment disparu, ses leaders n'étant pas parvenus à étendre Pegida dans d'autres pays européens comme le Danemark et l'Autriche voisins, ou encore la Suède.
Mais depuis que la crise migratoire a pris une ampleur colossale en Allemagne, le pays devant accueillir jusqu'à 1 million de réfugiés d'ici la fin de l'année, le Pegida connait un renouveau et les manifestations recommencent à rassembler plusieurs milliers de personnes, entre 5 et 10 000, selon les décomptes.
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Nele Wissmann estime quant à elle, que c'est justement cette vague migratoire et la décision le 4 septembre dernier de la chancelière Merkel d'ouvrir les frontières de l'Allemagne aux migrants arrivant de Hongrie qui a contribué au relancement de Pegida qui a su profiter de la vague de mécontentement contre la politique de la «porte ouverte» de la chancelière.
Les autorités et le renseignements craignent notamment une possible résurgence d'une forme de terrorisme d'extrême droite, les actes de violence anti-réfugiés se faisant de plus en plus fréquents, notamment dans l'Est du pays où les groupuscules néo-nazis sont nombreux et où le parti nationaliste du NPD fait régulièrement plus de 15% aux élections.
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Pegida a d'ailleurs déjà présenté une candidate en juin dernier à Dresde qui a obtenu 10%, tandis que le leader du mouvement, Lutz Bachmann a annoncé son intention de fonder un parti.