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Des grands groupes pharmaceutiques s'opposent à la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid-19

Les Etats-Unis viennent d'apporter leur soutien à une levée des brevets sur les vaccins contre le Covid-19. La Fédération internationale de l'industrie du médicament a immédiatement réagi, qualifiant cette mesure de «mauvaise réponse» à la pandémie.

La Fédération internationale de l'industrie du médicament (FIIM) – un organisme international représentant les grandes entreprises pharmaceutiques – a rejeté une proposition soutenue par les Etats-Unis visant à lever les droits de propriété intellectuelle sur les vaccins contre le Covid-19, affirmant que cette mesure était une «mauvaise réponse» qui n'accélérerait pas la production et la distribution de vaccins dans le monde.

Peu de temps après que l'administration de Joe Biden ait apporté son soutien à cette idée, la FIIM s'est exprimée le 5 mai dans un communiqué, en déclarant que «la décision de l'administration américaine de soutenir une renonciation aux brevets pour les vaccins Covid-19 est décevante», et en ajoutant que lever les brevets sur les vaccins «n'augmentera pas la production et ne fournira pas les solutions pratiques nécessaires pour lutter contre cette crise sanitaire mondiale. «Au contraire, cela risque d'entraîner des perturbations», affirme la FIIM.

Qualifiant la proposition de «réponse simple mais erronée à ce qui est un problème complexe», l'organisation a fait valoir que les efforts futurs devraient plutôt se concentrer sur l'élimination des barrières commerciales entre les nations, sur les goulets d'étranglement dans les chaînes d'approvisionnement et sur le fait d'«encourager les pays riches à commencer à partager les doses [de vaccins] avec les pays pauvres».

Des entreprises pharmaceutiques attachées à la propriété intellectuelle 

Basée à Genève, la FIIM compte parmi ses membres certaines des plus grandes entreprises pharmaceutiques du monde, dont AstraZeneca, Bayer, Eli Lilly, La Roche, GlaxoSmithKline, Johnson & Johnson, Merck et Pfizer. Cette dernière – qui s'est associée à l'entreprise allemande BioNTech pour mettre au point un vaccin contre le coronavirus – a engrangé des sommes considérables grâce au vaccin, avec des recettes de 3,5 milliards de dollars pour le seul premier trimestre de 2021, selon le New York Times. Alors que de nombreux composants du vaccin de Pfizer sont brevetés par son partenaire allemand, une agence fédérale publique américaine détient la propriété intellectuelle d'une avancée technologique clé qui a rendu le vaccin possible, et qu'elle a depuis mise sous licence pour un usage privé.

La revendication de lever ces brevets est portée depuis plusieurs mois par l'Inde et l'Afrique du Sud, et était déjà soutenue par une centaine de pays. Bien que le récent soutien du président américain Joe Biden aux levées des brevets ait été salué dans certains milieux – notamment par le directeur de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus – d'autres acteurs puissants ont déjà fait part de leur opposition à cette idée. C'est notamment le cas de la France, qui plaide pour des dons en faveur des pays les plus démunis, ou encore du Canada et du Royaume-Uni.

Sur le plan des acteurs non-étatiques, à la fin du mois d'avril, le milliardaire et fervent défenseur des vaccins Bill Gates avait de son côté insisté sur le fait que la propriété intellectuelle n'entravait pas la distribution des doses et avait soutenu que la levée des brevets ne produirait pas de «vaccins sûrs par magie».

Contrairement à la proposition de Bill Gates, qui appelle à un «accès équitable» aux vaccins tout en continuant à soutenir les droits de propriété intellectuelle exclusifs des entreprises pharmaceutiques, les organismes internationaux ont suggéré de créer un pool d'accès aux technologies Covid-19 (surnommé «C-TAP»), dans lequel les entreprises «partageraient volontairement les connaissances, la propriété intellectuelle et les données relatives aux technologies de santé Covid-19». Le concept a été évoqué pour la première fois en mai 2020, mais il a jusqu'à présent reçu peu de soutien de la part du secteur privé, qui continue de plaider pour une forte protection de la propriété intellectuelle.

Au mois de mars, l’OMS s'était prononcée en faveur d'une «levée des barrières protégeant les brevets de vaccin anti-Covid», soutenant ainsi une demande formulée conjointement par l'Inde et l'Afrique du Sud en octobre 2020. En Europe, les députés européens ont rejeté massivement deux amendements en faveur de la levée des brevets sur les vaccins contre le Covid-19. Toutefois, réagissant au communiqué publié par Washington, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a fait savoir que l'UE était «prête à discuter» de la proposition.