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Réunion du Conseil de sécurité sur les dérives nationalistes en Ukraine, à l'initiative de Moscou

A l'occasion des sept ans de l'incendie criminel à Odessa, la Russie a organisé une réunion par visioconférence au Conseil de Sécurité l'ONU, faisant intervenir des anciens responsables politiques et des témoins apportant un éclairage sur ce drame.

«Odessa – sept années après : néonazisme et nationalisme violent comme moteurs du conflit en Ukraine» : c'est le thème de la réunion par visioconférence que la Russie a décidé d'organiser, ce 5 mai 2021, à l'occasion du septième anniversaire du massacre commis à Odessa. Il s'agissait d'une réunion au format «Arria», soit une réunion informelle des membres du Conseil de sécurité de l'ONU convoqué par l'un de ses membres. 

Le 2 mai 2014, 48 personnes s’opposant au coup d’Etat qui avait chassé le président ukrainien Viktor Ianoukovitch du pouvoir quelques mois plus tôt, mouraient dans l’incendie criminel de la Maison des syndicats d’Odessa. Poursuivies par des nationalistes radicaux, partisans du Maïdan, ces personnes avaient été contraintes de se réfugier dans le bâtiment. Sous les yeux d'une police impassible, les nationalistes les avaient alors empêchées de sortir du bâtiment en proie aux flammes, notamment en leur lançant des cocktails Molotov.

Moscou dénonce l'arrivée au pouvoir en Ukraine «de nombreux extrémistes»

Pour Moscou, ce drame témoigne d'une dérive nationaliste qui a contribué, plus globalement, à une fracture de la société ukrainienne et à la guerre civile dans le pays. Ce 5 mai, le représentant permanent de la Russie au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies Vassili Nebenzia introduisait une visioconférence sur ce thème, à laquelle participaient plusieurs intervenants, parmi lesquels Dmitry Fuchedzhi, ancien chef adjoint auprès du ministère de l'Intérieur d'Odessa, Alexey Albu, ancien membre du conseil régional d'Odessa ou encore l'analyste politique Rostislav Ishchenko.

«Il est universellement reconnu, au sein des Nations unies, que désigner et comprendre les racines, causes et moteurs d'un conflit sont essentiels aux efforts visant à en trouver une solution. Il est également bien connu que les pays de la région [du pays concerné], et en particulier ses voisins, sont mieux placés pour comprendre en profondeur une crise», a fait valoir Vassili Nebenzia, pour expliquer l'organisation par la Russie d'une telle conférence sur le drame ukrainien. Pour le représentant russe, le coup d'Etat de Maïdan a porté au pouvoir en Ukraine «de nombreux extrémistes, criminels et révisionnistes», qui ont depuis défendu une politique discriminante à l'égard des russophones du pays, les poussant à renoncer à leur identité.

Entre autres intervenants de cette visioconférence, Sergey Kirichuk, qui a participé en 2014 au mouvement d'opposition au coup de Maïdan, a fait savoir que son organisation Borotba militait, sept ans après le drame, pour que les responsables de l’incendie criminel soient reconnus coupables et que toutes les organisations nationalistes extrémistes d'Ukraine soient désarmées. D'autres témoins des événements d'Odessa, ou des dérives nationalistes en Ukraine, ont livré publiquement leur récit.

La France s'indigne de l'organisation de cette réunion

L'organisation de cette visioconférence n'a pas été du goût de tous les pays membres du Conseil de Sécurité conviés : Wadid Benaabou, membre de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies, a ainsi fait savoir que Paris «regrett[ait] la tentative par la Fédération russe de détourner l'attention de la communauté internationale» via cette réunion et n'adhérait pas au «narratif russe» sur les sujets évoqués. Pour autant, la France a tenu à exprimer à cette occasion sa solidarité à l'égard des victimes de la tragédie d'Odessa en mai 2014 et de leurs proches. De même, une représentante de l'Estonie a dénoncé lors de cette visioconférence «la propagande de la Russie exploitant la tragédie d'Odessa».

Vassili Nebenzia leur a répondu qu'il était commun, au sein du Conseil de sécurité, «d'inviter des représentants de la société civile qui ont été témoin d'atrocités et des personnes pouvant nous fournir des détails [afin d'avoir] une meilleure compréhension des sujets» à l'agenda de l'ONU.