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Génocide des Tutsi au Rwanda : la justice requiert un non-lieu pour les forces françaises

Ce 3 mai, le parquet de Paris a requis un non-lieu dans l'enquête sur l'inaction reprochée à l'armée française lors des massacres de Tutsi fin juin 1994. Les cinq hauts gradés français dans le collimateur de la justice n'ont pas été mis en examen.

Le parquet de Paris a requis un non-lieu général dans l'enquête sur l'inaction reprochée à l'armée française lors des massacres de Tutsi dans les collines de Bisesero fin juin 1994, pendant le génocide, selon des sources proches du dossier citées par l'AFP ce 3 mai.  

Les cinq officiers généraux français de l'opération Turquoise visés par l'enquête n'ayant pas été mis en examen, les magistrats devraient logiquement ordonner un non-lieu, à moins qu'ils ne décident de relancer les investigations, comme réclamé récemment par des associations et des rescapés après la publication du rapport Duclert sur le rôle de la France au Rwanda.

Dans un communiqué, le procureur de Paris Rémy Heitz a expliqué que le parquet de Paris avait considéré que n'a été «établie aucune aide ou assistance des forces militaires françaises lors de la commission d'exactions, aucune adhésion de ces dernières au projet criminel poursuivi par les forces génocidaires ni aucune abstention d’intervenir face à des crimes constitutifs d’un génocide ou de crimes contre l'humanité en vertu d'un accord antérieur.» 

«Ce réquisitoire est navrant et affligeant juridiquement»

En outre, le parquet n'écarte pas la possibilité que la non-intervention des militaires soit constitutive d'une «non-assistance à personne en péril», mais conclut que cet éventuel délit est quoi qu'il en soit prescrit, selon les réquisitions auxquelles l'AFP a eu accès. «Ce réquisitoire est navrant et affligeant juridiquement», a déclaré Eric Plouvier, l'avocat de Survie, dénonçant «un déni de justice». 

Depuis 2005, les associations Survie, Ibuka, Fidh et six rescapés de Bisesero accusent la force Turquoise, déployée au Rwanda sous mandat de l'ONU pour faire cesser les massacres, d'avoir sciemment abandonné aux génocidaires pendant trois jours des centaines de Tutsi réfugiés dans les collines de Bisesero, dans l'ouest du pays.

Selon l'ONU, les massacres ont fait plus de 800 000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement au sein de la minorité tutsi.

Pendant l'instruction, cinq hauts gradés français – dont le chef de Turquoise, le général Jean-Claude Lafourcade – ont été entendus par les juges et sont restés placés sous le statut de témoin assisté, moins incriminant que celui de mis en examen qui ouvre, lui, la voie à un éventuel procès. Un choix contesté par les parties civiles, qui réclament un procès «en complicité de génocide» contre ces officiers mais aussi contre l'entourage, jamais visé par l'enquête, de l'ancien président François Mitterrand.

Pour les plaignants, le rapport publié en mars par la commission présidée par l'historien Vincent Duclert sur la politique française au Rwanda entre 1990 et 1994 a révélé «des charges nouvelles», qui justifient de relancer l'enquête et d'auditionner enfin de hauts responsables de l'Elysée de l'époque.

La décision finale revient désormais aux juges d'instruction.