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Human Rights Watch accuse l'armée malienne d'exactions contre les populations civiles

L'ONG Human Rights Watch accuse les soldats de l'armée malienne du meurtre d'au moins 34 civils et de la disparition de 16 autres entre octobre et mars dans le cadre de la lutte antiterroriste. Le Mali a annoncé une enquête.

L'armée malienne a tué ou fait disparaitre au moins une cinquantaine de personnes lors de récentes opérations militaires dans le centre du pays, a accusé Human Rights Watch (HRW) le 20 avril dans un rapport. L'ONG a compilé des témoignages de victimes présumées de ces exactions.  

«Les autorités maliennes devraient reprendre le contrôle des unités qui commettent des abus et faire bien plus pour garantir la discipline dans le cadre des opérations, exiger des comptes des auteurs d'abus et prévenir de nouvelles atrocités», a déclaré Corinne Dufka, directrice de HRW pour le Sahel, citée dans un communiqué.

L'ONG documente notamment comment des soldats maliens ont interpellé le 23 mars des dizaines de passagers d'un bus de transport à Boni (centre) après avoir découvert un bagage suspect. «Ils leur ont bandé les yeux, les ont sévèrement battus, [et] au moins 13 passagers auraient fait l'objet de "disparitions"», affirme l'ONG.

«Dix témoins» ont par ailleurs décrit une «opération militaire le 22 octobre 2020» près de la frontière avec le Burkina Faso, au cours de laquelle «les forces de sécurité auraient tué 25 villageois, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées».

«Ils ont tué des gens pendant qu’ils couraient. Certains ont été exécutés à bout portant, d’autres écrasés par des véhicules de l’armée, d’autres brûlés vifs à l’intérieur de leurs maisons», a raconté à l'ONG un témoin de ces crimes présumés cité par Le Monde.

Enquête ouverte

Selon Le Monde, les sept affaires dénoncées par HRW font désormais l'objet d'investigations de la part de la gendarmerie malienne. Les autorités, qui avaient dans un premier temps dénoncé une «propagande» ayant pour but de «saper le moral des FAMA [forces armées maliennes]», ont depuis changé de ton. «Les jugements rendus permettront de dire s’il y a eu bavure», a déclaré le colonel Souleymane Dembélé, directeur de l’information et des relations publiques des armées cité par le quotidien. Selon ses dires, des soldats ont été entendus dans le cadre de cette enquête. 

Selon Le Monde, l'armée malienne subit sur le terrain des pertes de plus en plus importantes face aux djihadistes du centre du pays, ce qui accentue les exactions envers les populations civiles. 

Ce n'est pas la première fois que l'armée malienne est accusée d'exactions, mais ces cas ont «tous [été] perpétrés depuis sa prise de pouvoir lors d'un coup d'Etat mené le 18 août 2020», souligne HRW.

Fin 2020, une Commission d'enquête mandatée par l'ONU l'avait accusée de «crimes de guerre» après des exemples jugés systémiques d'exactions envers des civils ou des combattants désarmés. Dans son rapport, HRW explique avoir notifié les autorités maliennes des allégations d'abus. 

Au Sahel central (Mali, Burkina Faso, Niger), la faiblesse des institutions, notamment judiciaires, et la mainmise quasi-inexistante de l'Etat sur d'immenses territoires ruraux où prospèrent des groupes armés a permis une large impunité pour les crimes commis.

Les armées nationales, mais également les groupes djihadistes – certains affiliés à Al-Qaïda, d'autres à l'Etat islamique –, des milices armées ou encore l'armée française y ont été accusées d'exactions à des degrés divers. Les premières victimes en sont les civils, a rappelé début avril une coalition d'ONG sahéliennes, en s'inquiétant du fait que le nombre de civils tués «n'a jamais été aussi élevé qu'en 2020» dans la région en conflit depuis 2012.