Le gouvernement de Joe Biden a annoncé le 13 avril que toutes les troupes américaines quitteraient l'Afghanistan «sans conditions» d'ici le 11 septembre, jour du 20e anniversaire des attentats de 2001 aux Etats-Unis, malgré les craintes d'un retour en force des Taliban. Le président américain avait prévenu qu'il serait «difficile» de respecter la date butoir du 1er mai prévue pour le retrait dans un accord conclu par son prédécesseur Donald Trump avec les insurgés.
En repoussant de plus de quatre mois l'échéance, il a provoqué l'ire de ces derniers. «Tant que toutes les forces étrangères n'auront pas complété leur retrait de notre pays, nous ne participerons à aucune conférence censée prendre des décisions sur l'Afghanistan», a tweeté un porte-parole des Taliban au Qatar, Mohammad Naeem, alors que la Turquie venait d'annoncer la tenue de pourparlers de paix «de haut niveau» du 24 avril au 4 mai à Istanbul.
«Nous allons entamer un retrait ordonné des forces restantes avant le 1er mai et prévoyons d'avoir sorti toutes les troupes américaines du pays avant le 20e anniversaire du 11 Septembre», avait auparavant déclaré un responsable américain, assurant que ce départ serait «coordonné» et simultané avec celui des autres forces de l'Otan. «Nous avons dit aux Taliban, sans la moindre ambiguïté, que nous répondrons avec force à toute attaque contre les soldats américains pendant que nous procédons à un retrait ordonné et sûr», a ajouté ce responsable.
Les rebelles afghans ont récemment menacé de riposter par la force en cas de dépassement de la date du 1er mai. Malgré l'accord américano-taliban de 2020, la violence reste très élevée sur le terrain entre les insurgés et les forces afghanes.
Dans une lettre au président afghan Ashraf Ghani, Antony Blinken a récemment prévenu qu'un retrait américain pourrait entraîner «des gains territoriaux rapides» de la part des Taliban. Et le renseignement américain a estimé, dans un rapport publié le 13 avril, que le gouvernement afghan allait «peiner à résister» en cas de retrait de la coalition internationale.
Les Etats-Unis sont intervenus en Afghanistan dans la foulée des attentats contre les tours jumelles de New York et le Pentagone. Ils ont chassé du pouvoir à Kaboul les Taliban, accusés d'avoir accueilli le groupe djihadiste al-Qaïda responsable des attentats, mais se sont ensuite enlisés.
2 500 soldats américains toujours sur place
Au plus fort de leur présence, quelque 100 000 soldats américains étaient déployés dans le pays en 2010-2011. L'ex-président Barack Obama avait ramené ces effectifs à 8 400 hommes, puis son successeur Donald Trump poursuivit le retrait : il ne reste plus que 2 500 soldats américains en Afghanistan.
Pour mettre fin à la plus longue guerre des Etats-Unis, qui a tué plus de 2 000 soldats américains, l'administration Trump avait en effet conclu en février 2020 à Doha, au Qatar, un accord historique avec les Taliban. Il prévoyait le retrait de toutes les forces américaines et étrangères avant le 1er mai prochain, à condition que les insurgés empêchent à l'avenir à tout groupe terroriste d'opérer depuis les territoires afghans qu'ils contrôlent.
Les Taliban devaient aussi entamer des négociations de paix directes inédites avec le gouvernement de Kaboul. Ces pourparlers, qui piétinent depuis leur ouverture en septembre, devaient être relancés par la conférence d'Istanbul. Mais une absence des Taliban se traduirait par une nouvelle impasse.
Le responsable américain a néanmoins prévenu que le retrait décidé par Joe Biden, qui doit s'exprimer le 14 avril depuis la Maison Blanche sur ce dossier emblématique, serait «sans conditions». «Le président a estimé qu'une approche conditionnelle, comme cela a été le cas au cours des deux dernières décennies, était la recette assurée pour rester en Afghanistan à vie», a-t-il expliqué.
Comme Donald Trump, et à l'unisson d'une opinion américaine de plus en plus lasse des interventions meurtrières et coûteuses à l'autre bout du monde, Joe Biden a promis de «mettre un terme aux guerres sans fin» de l'Amérique. Mais il avait évoqué, pendant la campagne pour la présidentielle de novembre, la possibilité de maintenir un petit contingent contre-terroriste en Afghanistan.
Finalement, il n'en est plus question. Les forces contre-terroristes seront redéployées en dehors du pays et la seule présence militaire américaine sur place après le 11 septembre sera vouée à la protection des diplomates des Etats-Unis, a expliqué le responsable qui a détaillé la position du président à la presse. Il a néanmoins promis que le gouvernement américain utiliserait «tous les moyens diplomatiques» à sa disposition pour «préserver» les avancées en matière de droits des femmes afghanes. Un retour des Taliban au pouvoir a fait ressurgir le spectre de l'époque où, de 1996 à 2001, ils avaient imposé leur vision fondamentaliste de la religion en interdisant aux femmes d'étudier et de travailler.
La classe politique américaine était divisée face à l'annonce du retrait. La plupart des démocrates, mais aussi plusieurs ténors trumpistes, ont salué le retour tant attendu des soldats «à la maison». Mais d'autres, dans les deux camps, ont déploré un départ «prématuré». «Retirer les forces américaines d'Afghanistan de manière précipitée est une grave erreur. Cela revient à battre en retraite face à un ennemi qui n'a pas été vaincu, et c'est une abdication du leadership américain», a dénoncé le chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell.