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Etats-Unis: les survivants des tortures de la CIA assignent les psychologues de l'Agence en justice

L'Union américaine pour les libertés civiles, qui représente deux rescapés des supplices opérés par la CIA, a déposé une plainte contre les deux psychologues qui ont mis sur pied le programme de torture de l'agence américaine après le 11 septembre

James Mitchell et Bruce Jessen ont donc été rattrapés mardi par la justice fédérale de leur pays. Ces deux psychologues sont désormais visés par une plainte portée par deux rescapés des camps de la CIA et un membre de la famille d'un homme mort de froid en détention.

«Les accusés sont directement responsables parce qu'ils ont conçu, développé et mis en œuvre un programme de la CIA visant à infliger des douleurs physique et mentale, ainsi que la souffrance aux demandeurs, et parce que les demandeurs ont été torturés et soumis à des traitements cruels, inhumains et dégradants suite à leur inclusion dans ce programme» détaille la plainte portée par l'Aclu, l'Union américaine pour les libertés civiles.

Pour reconstituer les faits, l'association a travaillé à partir des témoignages de Suleiman Abdullah Salim et de Mohamed Ahmed Ben Soud, tous deux torturés pendant des semaines par la CIA pour leurs prétendus liens avec Al-Qaïda. La plainte inclut également la famille de Gul Rahman, mort de froid pendant sa détention dans l'un des centres secrets de l'agence américaine du renseignement en Afghanistan. Chacun réclame 65 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Ainsi, Suleiman Abdullah Salim, pêcheur de Tanzanie a été retenu près de 5 ans en Afghanistan par la CIA. Il raconte dans une vidéo mise en ligne par The Guardian, les mauvais traitements qu'il a subis. Enchaîné nuit et jour, nu comme un ver pendant plus d'un mois, il sera interrogé des heures durant puis passé à la douche glacée par les agents de la CIA.

Il sera aussi battu et enfermé dans un sac en plastique. Suleiman détaille aussi la manière dont les interrogateurs le privaient de sommeil en l'obligeant à se tenir dans des positions douloureuses. Le pêcheur, qui n'avait aucun lien avec Al-Qaïda, a finalement été relâché un beau matin de 2008 sur la base militaire de Bagram en Afghanistan, avec pour seule compensation un bout de papier de la CIA affirmant qu'il ne représente finalement «aucun danger pour les Etats-Unis». Aujourd'hui, Suleiman souffre de «flashback» psychologiques très douloureux qui le ramènent sans cesse à ses années de prison.

Pour l'Aclu, il s'agissait ici de «briser» ces hommes moralement afin qu'ils soient prêts à parler ensuite. Les deux psychologues, qui étaient au départ instructeurs pour le programme militaire «Evasion, résistance, évasion et fuite» (ils apprenaient aux soldats américains à résister en cas de capture), ont ainsi proposé d'adapter à la CIA des techniques testées sur des chiens pour obtenir toute la «coopération» possible de la part des suspects retenus par l'Agence, dans cette Amérique de l'après 11 septembre, obsédée par le terrorisme.

James Mitchell et Bruce Jessen, qui n'auraient pas assisté personnellement aux actes de torture, ont touché près de 70 millions d'euros pour mettre au point ce programme de la CIA. Ce n'est pas la première fois que la justice américaine se penche sur les méthodes de l'agence du renseignement. La dernière enquête date de 2012, elle s'était conclue sans qu'aucun représentant du gouvernement ne soit finalement inculpé.

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