Reporters sans frontières (RSF) a annoncé le 2 février le dépôt d'une plainte inédite en Allemagne pour «crimes contre l'humanité» visant notamment le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, pour sa responsabilité dans l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, démembré dans le consulat d'Istanbul.
Cette plainte intervient quelques jours seulement après la publication d'un rapport de la CIA incriminant le prince héritier saoudien.
Déposée en début de semaine «auprès du procureur général de la Cour fédérale de justice de Karlsruhe» en raison de sa compétence «sur les principaux crimes internationaux», la plainte «porte sur la persécution généralisée et systématique des journalistes en Arabie saoudite», dont une trentaine sont emprisonnés.
Elle cible, outre le prince héritier Mohammed ben Salmane, quatre autres hauts responsables saoudiens. Aux côtés du dirigeant de facto du royaume, «soupçonné d'avoir directement commandité l'assassinat» de Jamal Khashoggi, RSF attaque ainsi son ex-proche conseiller Saoud al-Qahtani, l'ancien directeur adjoint du renseignement Ahmed al-Assiri, mais aussi Mohammed al-Otaibi, ancien consul général à Istanbul, et Maher Mutreb, officier du renseignement qui serait, selon RSF, à la tête de l'équipe qui a torturé et tué le chroniqueur du Washington Post.
La réception de la plainte, également déposée contre X, a été confirmée à l'AFP par le parquet fédéral de Karlsruhe.
Consulté par l'AFP, le document volumineux détaille les exactions commises contre 34 journalistes emprisonnés entre 2011 et 2019 dans le royaume, dont 33 sont toujours détenus, à l'instar du blogueur Raif Badawi, condamné en 2014 à 1 000 coups de fouet et 10 ans de prison pour «insulte» à l'islam.
Face à ce qu'elle qualifie de «crimes contre l'humanité», l'ONG estime que le système judiciaire allemand s'avère «le plus adapté» en vertu de la compétence universelle appliquée outre-Rhin, qui permet à un Etat de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, peu importent leur nationalité et l'endroit où les forfaits ont été commis.
La justice allemande avait par exemple condamné pour la première fois la semaine dernière un ancien responsable syrien, accusé de «complicité de crimes contre l'humanité».