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Ukraine : un célèbre blogueur d'opposition risque jusqu'à 15 ans de prison pour «trahison»

Accusé de positions trop favorables envers la Russie, Anatoliï Chariï, suivi par deux millions de personnes sur YouTube, est accusé de «trahison» par les services de sécurité ukrainiens. Un nouveau cas de censure de l'opposition ukrainienne ?

Les services de sécurité ukrainiens (SBU) ont accusé ce 16 février un blogueur d'opposition et chef de parti en exil, Anatoliï Chariï de «trahison» et d'«incitation à la haine», des accusations passibles de 15 ans de prison.

Ex-journaliste installé en Espagne, très populaire sur les réseaux sociaux, Anatoliï Chariï est accusé d'avoir «participé activement à des opérations informationnelles russes contre l'Ukraine» destinées à «déstabiliser» le pays, selon les termes employés dans le communiqué des SBU.

Inquiété pour des positions jugées «pro-russes»

Il est accusé d'avoir «discrédité la politique d'Etat ukrainienne» et «falsifié des informations» concernant la guerre menée par Kiev depuis 2014 contre des rebelles dans l'est de l'Ukraine, selon la même source.

Anatoliï Chariï a participé par le passé via des visioconférence à des émissions de la télévision publique russe, dans lesquelles il avait notamment qualifié de «guerre civile» le conflit avec les séparatistes tout en évoquant l'Ukraine en tant que «colonie de l'Occident».

«Je n'ai pas peur, ça m'est égal», a réagi Anatoliï Chariï dans une vidéo publiée sur son compte YouTube, en accusant le président ukrainien Volodymyr Zelensky d'être à l'origine de ces accusations.

Russophone, Anatoliï Chariï a quitté l'Ukraine en 2012 et obtenu l'asile politique en Lituanie avant de déménager aux Pays-Bas, puis en Espagne, selon les médias ukrainiens.

Sa chaîne YouTube affiche plus de deux millions d'abonnés. Il est également suivi par près de 350 000 personnes sur Facebook, réseau social le plus populaire en Ukraine. 

Il a fondé en 2019 un parti politique, le «Parti de Chariï», qui a rassemblé moins de 3% des suffrages aux élections locales en Ukraine en 2020.

Multiplication des cas de censure en Ukraine

Le gouvernement ukrainien est accusé par ses adversaires de tenter de museler l'opposition, en particulier lorsque celle-ci entretient des positions jugées pro-russes.

Kiev a ainsi récemment fait fermer par décret huit médias, dont trois chaînes de télévision, appartenant à un élu ukrainien de l'opposition, invoquant la «sécurité nationale» contre la «propagande» pro-russe. Si cette décision n'a pas soulevé d'indignation généralisée en Occident (et a même été applaudie par Washington), elle a néanmoins été dénoncée par de rares voix.

Le président russe Vladimir Poutine avait pour sa part commenté cette absence de réaction, qui contraste singulièrement avec le concert de protestations récemment adressé à la Russie en matière de liberté d'expression. «Les deux poids deux mesures [en matière de liberté d'expression] sont devenus très clairs récemment, et il n'y a aucun doute sur la manière dont nos prétendus opposants travaillent contre nous», a-t-il affirmé, cité le 17 février par l'agence de presse Tass.

«Où sont les chercheurs de vérité occidentaux, pourquoi ne commentent-ils pas ce qui se passe en Europe en matière de liberté d'expression ?», avait encore fait valoir le chef d'Etat russe, accusant les autorités ukrainiennes de chercher, par ce type de mesures, à «remplir leurs objectifs géopolitiques».