L'agence européenne de gardes-frontières et gardes-côtes Frontex s'affranchit-elle de tout contrôle ? Le Monde a consulté et dévoilé le 5 février 2021 une enquête de la chaîne publique allemande ZDF et de l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO), mettant en cause ses liens supposés avec l’industrie de la surveillance et de l’armement.
Selon le quotidien, des dizaines de documents «démontrent des infractions aux règles des institutions européennes sur le lobbying». En 2018 et 2019, «91 des 125 lobbyistes reçus par Frontex (soit 72%) n’étaient pas inscrits au registre européen de la transparence, comme le veulent pourtant les règles fixées pour les institutions de l’UE».
Frontex est une organisation destinée à grandir avec un budget en hausse constante (5,6 milliards prévus pour 2021-2027) afin de gérer les frontières extérieures de l'espace Schengen. Ses effectifs doivent par ailleurs progressivement augmenter, avec 10 000 agents à l'horizon 2027.
Un véritable corps armé dont le but assigné est de lutter contre les différents trafics et l'immigration illégale sur le sol européen. Pour assurer ses missions, Frontex doit notamment passer des commandes pour du matériel et équipement : «armes, radars, drones, systèmes de vérification des documents et de reconnaissance faciale, véhicules, avions», comme le précise Le Monde.
Frontex au centre de plusieurs enquêtes
Dirigé par le Français Fabrice Leggeri, Frontex est en outre mis en cause pour son «absence quasi complète de préoccupation pour le respect des droits humains», n'ayant par exemple «presque jamais consulté le Forum des droits fondamentaux».
En ce sens, l'agence européenne a été pointée du doigt en octobre 2020 dans une enquête de plusieurs médias, dont Der Spiegel, l'accusant d'être impliquée avec les gardes-côtes grecs dans des incidents de refoulements de bateaux de demandeurs d'asile de Grèce vers la Turquie. Une pratique illégale, en violation du droit à l'asile. En effet, les actions de Frontex auraient empêché les demandeurs d'asile de demander le statut de réfugié et, si elles sont pratiquées sans discernement contre un groupe de migrants, peuvent constituer un «pushback», un «refoulement» illégal. Le conseil d'administration de Frontex, composé de représentants d'Etats membres et de la Commission européenne, a mis en place un groupe de travail chargé d'enquêter sur le dossier, qui a donné aux dirigeants jusqu'au 26 février pour fournir des informations supplémentaires. Un nouveau conseil d'administration est prévu début mars.
Selon des informations du quotidien français Libération, du magazine allemand Der Spiegel et du média d'investigation Lighthouse Reports publiées le 5 février, une enquête du gendarme européen antifraude Olaf a en outre donné lieu en décembre à une perquisition au siège de l'agence basée à Varsovie, portant aussi sur des accusations de fraude et de harcèlement envers des membres du personnel.
Selon ces médias, qui informent avoir eu accès à des documents internes, les enquêteurs examinent entre autres un contrat passé avec un prestataire informatique polonais, qui serait entaché d'irrégularités.