Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a fait savoir ce 22 janvier que Moscou ne pouvait que «saluer la volonté politique de prolonger» le traité New Start, portant sur la réduction des armes stratégiques. Réagissant aux récents propos de l'administration Biden, qui se disait favorable à une prolongation du texte pour cinq ans, Moscou a toutefois précisé : «Tout dépendra des détails de cette proposition.»
Si la prudence est de mise pour Moscou, c'est que l'administration Trump affichait elle aussi l'objectif de prolonger le traité... tout en l'assortissant de conditions jugées inacceptables par la partie russe. En octobre, alors que les négociations étaient dans l'impasse, la proposition de Vladimir Poutine de prolonger le texte d'un an sans condition avait été refusée par Washington.
Biden : une ligne plus dure sur la Russie ?
Le changement d'équipe à la Maison Blanche rabattra-t-il les cartes sur ce dossier ? Rien n'est moins sûr. Et pour cause, si Jen Psaki, nouvelle porte-parole de la Maison blanche, a rapporté la volonté de Joe Biden de prolonger le traité, «dans l'intérêt national sécuritaire», elle a également qualifié, dans la même phrase, la relation avec Moscou d'«antagoniste».
«Même si nous travaillons avec la Russie pour avancer dans les intérêts américains, nous travaillons par ailleurs pour réclamer des comptes à la Russie pour ses actions dangereuses et antagonistes», a ainsi poursuivi la porte-parole, évoquant la prétendue ingérence russe dans les élections, ou encore le cas d'Alexeï Navalny. Jen Psaki a en outre évoqué les «primes présumées [pour tuer] des soldats américains en Afghanistan», reprenant une accusation de campagne de Joe Biden balayée par Vladimir Poutine, qui avait souligné le caractère douteux des sources de cette accusation et les démentis prononcés par des responsables américains.
En tout état de cause, ces annonces ont été saluées par le porte-parole du secrétaire général de l'ONU, qui «encourage les deux Etats à travailler rapidement pour achever la procédure nécessaire à cette prolongation du Traité avant son expiration le 5 février».
Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, s'est lui aussi félicité de la proposition de Joe Biden, disant ne pas voir «la prolongation du traité comme une fin, mais comme le début d'efforts visant à davantage renforcer le contrôle international des armes nucléaires». «Les accords qui couvrent plus d'armes et qui incluent plus de nations comme la Chine devraient être à l'ordre du jour à l'avenir», a-t-il ajouté dans un communiqué.
La France a également salué cette annonce dans un communiqué du ministère français des Affaires étrangères : «Cette décision ouvre la voie, si la Russie qui s'y est dite favorable confirme son accord, au maintien d'un pilier essentiel de l'architecture internationale de la maîtrise des armements et du désarmement.»
Des négociations au point mort
Le traité bilatéral New Start, signé en 2010, maintient les arsenaux de la Russie et des Etats-Unis bien en deçà de leur niveau de la guerre froide, limitant à 700 le nombre de lanceurs nucléaires stratégiques déployés et à 1 550 la quantité de têtes nucléaires. Faute de renouvellement, il doit expirer le 4 février 2021.
Le 13 octobre, le négociateur américain Marshall Billingsle avait proposé à Moscou de prolonger le traité «pendant un certain temps», à condition que la Russie accepte «de geler» son arsenal nucléaire.
Un tel gel avait alors été jugé «inacceptable» par le négociateur russe, le vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Riabkov. «Non pas parce que nous sommes contre le gel», avait justifié celui-ci, estimant qu'une telle mesure, alors même que les Etats-Unis développent leur propre système antimissile, posait des problèmes de «stabilité stratégique».
La Russie et les Etats-Unis détiennent toujours à eux deux plus de 90% des armes nucléaires dans le monde, selon le dernier rapport de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).