Gazprom reconnaît le 19 janvier, dans le prospectus d'une émission obligataire en euros, un risque de suspension, voire d'abandon du projet de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne sur fond de pressions politiques, américaines notamment. Ce gazoduc sous-marin, censé doubler la capacité actuelle du réseau Nord Stream pour la porter à 110 milliards de mètres cubes par an, est au cœur des tensions entre la Russie et les Etats-Unis, qui ont multiplié les sanctions à son encontre.
Ce projet estimé à 11 milliards de dollars a déjà été suspendu fin 2019 lorsque la principale entreprise chargée de l'installation des tuyaux au fond de la merBaltique, Allseas, s'en est retirée par crainte de sanctions américaines.
Des travaux ont repris le mois dernier avec la pose d'un petit tronçon de 2,6 km dans les eaux allemandes mais le chantier principal reste à l'arrêt.
Gazprom, société cotée, doit informer les investisseurs de tout risque potentiel avant de leur proposer de souscrire à ses obligations.
«Tandis que nous mettons en œuvre nos principaux projets internationaux, tels que le gazoduc Nord Stream 2, nous avons été confrontés et sommes susceptibles de continuer à faire face à des risques liés à des évolutions des conditions politiques dans diverses régions liées à de tels projets», déclare le producteur de gaz russe dans son prospectus que Reuters est parvenu à se procurer le 19 janvier.
«Dans des circonstances exceptionnelles, notamment en raison de pressions politiques, de telles évolutions pourraient aboutir à la suspension ou à l'arrêt de certains projets», précise le document.
La pression américaine s'intensifie
La Russie affirme que ce projet est purement commercial. L'Allemagne a jusqu'à présent continué à le défendre mais la pression s'est accentuée sur ses épaules après l'arrestation le 17 janvier d'Alexeï Navalny, puis son placement en détention le 18 janvier pour une durée de 30 jours. L'opposant au président russe Vladimir Poutine a été interpellé dès son arrivée à Moscou en provenance d'Allemagne.
Les Etats-Unis, qui souhaitent développer leurs exportations de gaz naturel liquéfié vers l'Europe, ont décidé d'imposer cette semaine des sanctions contre le «Fortuna», l'un des principaux navires utilisés par la Russie pour la construction de Nord Stream 2.
Par son porte-parole Dmitri Peskov, le Kremlin a dénoncé le 19 janvier la pression «illégale» exercée par les Etats-Unis et a déclaré suivre attentivement l'évolution du projet pour garantir son achèvement.
Si Nord Stream 2 devait être suspendu ou annulé, Gazprom reconnaît dans son prospectus qu'il pourrait devoir verser divers types d'indemnités à ses sous-traitants et enregistrer dans ses comptes d'importantes charges pour dépréciations d'actifs.