Au pouvoir depuis plus de 10 ans, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a annoncé le 15 janvier 2021 sa démission et celle de son gouvernement embourbé dans un scandale autour de l'administration fiscale qui avait accusé à tort des milliers de parents de fraude aux allocations familiales. Mark Rutte, l'un des dirigeants européens depuis le plus longtemps en poste, a précisé qu'il réglerait les affaires courantes jusqu'aux élections de mars 2021 afin d'éviter de perturber la lutte contre la pandémie de Covid-19.
«L'Etat de droit doit protéger ses citoyens d'un gouvernement tout-puissant. Cela a échoué de manière horrible», a déclaré le chef du gouvernement néerlandais lors d'une conférence de presse.
Des erreurs ont été commises, conduisant à une grande injustice faite à des milliers de parents
«Des erreurs ont été commises, conduisant à une grande injustice faite à des milliers de parents», a-t-il ajouté. Au cœur du scandale, plus de 20 000 familles ont été accusées à tort de fraude aux allocations familiales, avant d'être contraintes de les rembourser, ce qui a plongé une partie d'entre elles dans de graves problèmes financiers. Une poignée de personnes a hué Mark Rutte alors qu'il quittait à vélo le siège du gouvernement après avoir annoncé sa démission.
Selon de récents sondages, son parti libéral-conservateur (VVD) pourrait cependant être de nouveau le premier du pays à l'issue des législatives du 17 mars, l'opinion publique soutenant toujours largement sa gestion de la crise sanitaire.
Chaque victime devrait recevoir 30 000 euros de dédommagement
«Notre combat contre le coronavirus continue», a assuré le Premier ministre, ajoutant que son gouvernement démissionnaire «fera ce qui est nécessaire dans l'intérêt du pays». L'homme politique de 53 ans – qui dirigeait son troisième gouvernement de coalition depuis son arrivée au pouvoir en 2010 – faisait face à une pression croissante, son cabinet risquant un possible vote de défiance du Parlement la semaine prochaine.
Un rapport d'enquête parlementaire accablant publié en décembre 2020 a établi que des fonctionnaires avaient mis fin aux allocations de milliers de familles accusées à tort de fraude entre 2013 et 2019, avant de les contraindre à restituer les allocations perçues sur plusieurs années, soit dans certains cas des dizaines de milliers d'euros.
Des innocents ont été criminalisés, leurs vies détruites
La pression sur les quatre partis du centre et de la droite au pouvoir s'est amplifiée le 14 janvier avec la démission du chef du Parti travailliste néerlandais (PvdA) d'opposition, Lodewijk Asscher, ministre des Affaires sociales de 2012 à 2017 sous la précédente coalition gouvernementale de Mark Rutte. Le député Geert Wilders, chef du Parti pour la liberté (PVV) et connu pour ses positions anti-islam, a jugé qu'il était «juste» que le gouvernement ait démissionné. «Des innocents ont été criminalisés, leurs vies détruites», a-t-il souligné sur Twitter.
Le chef du parti de la Gauche verte, Jesse Klaver, autre voix de premier plan qui avait appelé Mark Rutte à démissionner, a quant à lui estimé que la décision pourrait constituer un «nouveau départ, un tournant» pour les Pays-Bas.
Selon les estimations des médias néerlandais, ce scandale des allocations familiales a touché environ 26 000 parents. Il a également été révélé que des fonctionnaires des impôts avaient procédé à un «profilage» de quelque 11 000 personnes sur la base de leur double nationalité, y compris certaines de celles touchées par l'affaire des allocations familiales.
En décembre 2020, le gouvernement néerlandais a annoncé vouloir verser au cours des quatre mois suivants au moins 30 000 euros à chaque parent concerné, mais cela n'a pas suffi à dégonfler le scandale. L'avocat de victimes Vasco Groeneveld a déposé le 12 janvier une plainte à l'encontre de trois ministres en poste et deux anciens ministres, dont Lodewijk Asscher.
Plusieurs parents concernés avaient mis en ligne la veille une vidéo dans laquelle ils appelaient le gouvernement à démissionner.