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«Purge», «censure» : le bannissement de Donald Trump sur Twitter fait réagir en France

La suspension définitive du compte Twitter de Donald Trump et le bannissement de nombreux comptes de ses soutiens inquiètent en France, alors que le pouvoir des géants du numérique interroge sur l'avenir de la liberté de parole.

Le bannissement définitif de Donald Trump par Twitter fait couler beaucoup d'encre. Il a notamment poussé à réagir de nombreuses personnalités en France le 9 janvier 2021. 

«La fermeture du compte de Donald Trump par Twitter, si elle peut se justifier par une forme de prophylaxie d’urgence, n’en pose pas moins des questions fondamentales», a ainsi commenté Cédric O, secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques.

«La régulation du débat public par les principaux réseaux sociaux au regard de leurs seuls CGU alors qu’ils sont devenus de véritables espaces publics et rassemblent des milliards de citoyens, cela semble pour le moins un peu court d’un point de vue démocratique», a-t-il ajouté. 

Marine Le Pen a également réagi, estimant que la suspension du compte de Donald Trump et «la purge» contre ses partisans «devraient indigner tout citoyen attaché à la démocratie». «Où s’arrêtera ce contrôle de toute opinion dissidente ? Qui, demain, sera effacé numériquement sans possibilité de se défendre ?», interroge la présidente du Rassemblement national.

«On peut combattre Trump et le chaos qu'il a entraîné mais refuser de se réjouir de voir les GAFA décider seuls, sans contrôle du juge, sans recours possible, quel président en exercice a le droit d'avoir un compte ou non sur Twitter», a abondé Aurore Bergé. «Cela n'aide certainement pas la démocratie», a ajouté la députée LREM des Yvelines.

Dans un autre tweet, elle pointe le deux poids, deux mesures que ce bannissement va inévitablement engendrer : «Les mêmes GAFA n'ont pas la même prévention pour supprimer les comptes diplomatiques de propagande d'Etats dans lesquels la démocratie n'a jamais existé et dont les populations n'ont pas le droit d'avoir des comptes ouverts.»

A gauche, François Ruffin a également critiqué l'initiative de Twitter, en expliquant que même si Trump n'était pas sa tasse de thé, la fermeture de son compte par Twitter paraissait «scandaleuse». «Doit-on déléguer notre liberté d'expression aux géants de la Silicon Valley ? Demain, ce sera pour nous tous, cette censure numérique, et privée», prévient le député insoumis.

Jean-Luc Mélenchon en a lui profité pour glisser un petit tacle à Emmanuel Macron au passage : «Le comportement de Trump ne peut servir de prétexte pour que les GAFA s'arrogent le pouvoir de contrôler le débat public. Les lois Macron ont pourtant légalisé cette censure privée.»

Humeur pessimiste également pour Florian Philippot. «Le compte Twitter de Trump définitivement suspendu. Nous basculons encore un peu plus dans un monde très sombre, de censure, de surveillance, de haine, un monde ennemi des libertés et du genre humain. Ne pas vouloir le comprendre c’est en être complice», a twitté le président des Patriotes.

Egalement très alarmé, le président de l'UPR, François Asselineau, a jugé «la situation explosive». De son point de vue, «ces censures risquent d'entraîner les Etats-Unis vers la guerre civile».

«La purge du compte de Trump ou de ses soutiens est tout de même effrayante et très préoccupante pour la liberté d’expression et la démocratie. Cela va produire l’inverse de l’effet escompté, comme toute censure», a pour sa part estimé Charles-Henri Gallois, président de Génération Frexit.

«Nous devrions tous dénoncer cet abus de pouvoir de Twitter», a plaidé l'avocat Charles Consigny.

Les journalistes aussi réagissent

Du côté des journalistes français également, le bannissement du président des Etats-Unis a vivement fait réagir. «Ce matin, vous applaudissez ou critiquez la suspension du compte Twitter de Trump. Cette décision rappelle d’abord une évidence : les GAFAM accueillent les utilisateurs à leurs conditions. Voyons plus large si l’on veut construire une démocratie numérique», a écrit Laurent Guimier, directeur de l’information de France Télévisions.

«Bravo Twitter, le compte d’Erdogan qui véhicule la haine et l’intolérance religieuse n’est en revanche jamais inquiété», écrit le directeur adjoint de Paris Match Régis Régis Le Sommier sur le même réseau social.

«Le bannissement de Donald Trump par Twitter est l'opération de communication la plus hypocrite que je n'ai jamais vue dans l'univers de la tech», a pour sa part jugé Raphael Grably, chef de service tech BFM TV. Il a, entre autres, fait référence à la situation surprenante du journal français Ruptures qui s'est vu affublé sur Twitter de la mention «Média affilié à un Etat, Russie». 

Ruptures, qui a protesté à plusieurs reprises contre cette décision qualifiée d'arbitraire, n'a, pour l'heure reçu aucune explication de Twitter sur cette stigmatisation. «La fermeture du compte Twitter de Trump vous révolte sur le principe ? Voici la dernière réponse du réseau social à notre demande d’explication quant à l’affiliation erronée de notre journal à un Etat», écrit ce mensuel consacré à la critique de l'Union européenne, qui assure être financé exclusivement par ses abonnés.

Le directeur éthique et affaires juridiques de Qwant dénonce également le «caractère arbitraire de la décision» de bannir Donald Trump. «Dire "Twitter et Facebook c'est privé, ils font ce qu'ils veulent chez eux", c'est une forme de néo-féodalité. "Le seigneur fait ce qu'il ce qu'il veut sur les terres où j'habite et que je cultive". Mais le féodalisme c'était le Moyen âge. On a évolué depuis», écrit Guillaume Champeau, qui est également fondateur de Numerama.

Dans une série de tweets, Daniel Schneidermann a livré son analyse. «Je lis ce matin qu'elle marquerait la prise du pouvoir de la Silicon Valley sur le pouvoir politique. C'est possible à court terme. Mais je crois plutôt le contraire», estime le journaliste. «Twitter, YouTube et Facebook ont assis leur emprise sur la promesse d'une liberté d'expression totale, pour tous. C'est cette promesse qui vient de se crasher sur le Capitole le 6 janvier», ajoute-t-il. «Sur ces ruines, de nouveaux oligopoles sociaux peuvent se constituer, avec d'autres règles, d'autres mythes, d'autres promesses. Encore possible. L'Histoire en train de se faire», conclut le journaliste.