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Venezuela : quels enjeux pour des élections législatives sous haute tension ?

Maduro dit qu'il partira si l'opposition gagne, Guaido boycotte, Washington ne reconnait pas le scrutin, l'UE refuse d'envoyer des observateurs et Moscou appelle au respect des résultats. Décryptage de législatives sous haute tension au Venezuela.

Tous les projecteurs sont braqués sur le Venezuela où se tiennent le 6 décembre des élections législatives dont le résultat sera décisif, tant sur le plan intérieur qu'international. 

Le président Nicolas Maduro a assuré le 1er décembre que si les partis d'opposition remportaient le scrutin, il quitterait le pouvoir. «Si l'opposition gagne à nouveau, je quitterai la présidence. Je laisse mon destin entre les mains du peuple vénézuélien», a déclaré le président lors d'une réunion avec les partis politiques chavistes, expliquant qu'il ne souhaitait pas passer cinq ans de plus avec la droite à la tête de la majorité de l'Assemblée nationale.

De son côté, l'opposant Juan Guaido, autoproclamé en janvier 2019 président du pays et reconnu comme tel par Washington et ses alliés dont l'UE, a décidé de boycotter le scrutin. Il dit ne reconnaitre ni le Conseil national électoral (CNE) ni la Cour suprême qui en a désigné les membres, jugeant les deux institutions favorables au chavisme. Juan Guaido, de plus en plus isolé au sein même de l'opposition, a donc décidé d'organiser parallèlement une «consultation populaire» du 5 au 12 décembre. Il compte sur cette consultation, sans statut légal, pour pouvoir affirmer que le peuple rejette les élections organisées par le pouvoir et ainsi tenter de faire valoir aux yeux de ses alliés occidentaux qu'elles sont nulles et non avenues. 

La Russie condamne ceux qui essayent de «saper» les élections

Du côté des puissances occidentales, Juan Guaido n'aura pas beaucoup d'efforts à fournir sur ce sujet. Les Etats-Unis ont déjà qualifié ces élections de «ni libres, ni justes» et l'Union européenne, qui a refusé l'invitation d'envoyer des observateurs pour contrôler le processus, a appelé au report du scrutin. Ces prises de position sont appuyées par l'Organisation des Etats américains (OEA) et le groupe de Lima, tous deux ouvertement hostiles à Caracas.

Ceux qui refusent de reconnaître la réalité cherchent à maintenir l'instabilité

La Russie a pour sa part condamné les appels à «saper» les élections et a envoyé une délégation d'observateurs chargés d'en surveiller le bon déroulement et d'en donner une évaluation. Le ministère russe des Affaires étrangères a appelé à respecter le processus électoral et la décision qui sera prise par le peuple vénézuélien. La porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova a déclaré que «ceux qui refusent de reconnaître la réalité cherchent à maintenir l'instabilité».

Depuis 2015, la vie démocratique au Venezuela connaît une cohabitation inédite. L'Assemblée nationale majoritairement acquise à l'opposition depuis son élection a cherché à s'emparer du pouvoir exécutif et à faire tomber Nicolas Maduro. L'auto-proclamation de Juan Guaido, alors président de l'Assemblée nationale, comme président de la République en janvier 2019, fait partie de cette volonté de reversement assumée.

Le gouvernement a donc décidé de convoquer une assemblée constituante élue en 2017 et majoritairement acquise au chavisme. C'est elle qui depuis votait les décisions gouvernementales. Les décisions de l'Assemblée nationale étaient, elles, toujours annulées par la Cour suprême qui ne reconnaît pas la légitimité de cette assemblée.

Plus de 20 millions de Vénézuéliens sont convoqués aux urnes le 6 décembre pour choisir les 277 députés. Sur les 14 400 candidats, 554 se présentent au nom du Grand pôle patriotique, du côté du gouvernement. Plus de 13 000 candidats se présentent donc en opposition au gouvernement de Nicolas Maduro. Une opposition qui a décidé de ne pas suivre la trajectoire de Juan Guaido jugée radicale et antipatriotique. Reste une grande inconnue : l'ampleur de la participation au scrutin. C'est d'elle que les vainqueurs pourront tirer ou non leur légitimité.

Meriem Laribi