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Le nouvel «hôpital des pandémies» suscite la polémique en Espagne

Construit en un temps record, un nouvel hôpital public a été inauguré le 1er décembre à Madrid. Destiné à soulager le réseau sanitaire de la capitale espagnole, mis à rude épreuve par le Covid-19, il est pourtant au cœur d'une vaste polémique.

A peine trois mois. C'est le temps record qui aura été nécessaire pour faire sortir de terre l'hôpital public Isabel Zendal de Madrid. Surnommé «l'hôpital des pandémies», l'édifice espagnol a été inauguré le 1er décembre 2020 dans la capitale. Cumulant les superlatifs, il s'est pourtant retrouvé au milieu d'une vive polémique.

Décrit par ses détracteurs comme «hors de prix», l'hôpital Isabel Zendal est, au contraire, «un miracle», selon le maire conservateur de la capitale espagnole, José Luis Martínez Almeida, mot qu'il a prononcé au cours de la cérémonie d'inauguration du rutilant ensemble de bâtiments.

Construit en un temps record, le gigantesque hôpital pourra accueillir jusqu'à un millier de malades dans ses 80 000 mètres carrés, répartis en trois pavillons aux longues et hautes baies vitrées derrière lesquelles on apercevait encore, le 1er décembre, des fils pendant du plafond.

Eviter la saturation

L'établissement doit permettre de soulager le reste du réseau sanitaire de Madrid, dont la saturation pendant la première vague de la pandémie de Covid-19 avait conduit à l'installation d'un hôpital de campagne dans un pavillon d'exposition de la ville. 

L'inauguration s'est déroulée en présence de plusieurs centaines de journalistes et de nombreux invités issus en majorité des milieux de droite, la région de Madrid, à l'origine du projet, étant dirigée par le Parti populaire (PP, conservateur).

L'hôpital Isabel Zendal devrait pouvoir accueillir ses premiers patients «dès la semaine prochaine», a expliqué Enrique Ruiz Escudero, le responsable de la région de Madrid pour les affaires de santé.

Nuit et jour depuis début septembre 2020, une armée de grues et de camions s'est activée pour ériger ce complexe sanitaire. On pouvait voir le 1er décembre des lits et des chaises roulantes tout juste sortis de leur emballage, tandis que les équipements médicaux étaient branchés. 

Cet hôpital est «adapté à toutes les situations que nous pouvons connaître», qu'il s'agisse de «catastrophes» ou de «nouvelles épidémies», s'est félicitée Isabel Diaz Ayuso, la présidente de la région de Madrid et membre du PP, qui a porté le projet. Selon elle, l'hôpital Isabel Zendal disposerait de l'unité de soins intensifs «la plus avancée de Madrid». 

«Une dépense inutile»

Mais en face de l'hôpital, situé à deux pas de l'aéroport international de Madrid-Barajas et de l'autoroute, plusieurs dizaines de soignants et de manifestants hostiles s'étaient réunis pour dénoncer un projet qu'ils jugent «inutile» et dont le coût final (au moins 100 millions d'euros, selon un chiffre provisoire fourni par les autorités) est le double du budget initial.

«Il y a des lits inutilisés dans d'autres hôpitaux» et les ressources mobilisées pour le nouveau bâtiment auraient pu servir à «des choses vraiment nécessaires comme des traceurs de contacts avec la Covid-19, du personnel et du matériel», s'agace Olga Álvarez, une technicienne de laboratoire à l'hôpital Gregorio Marañón de Madrid.

Ce bâtiment est «une dépense inutile», renchérit Alma Blanco, une infirmière de l'hôpital «12 de Octubre», situé dans la région de Madrid. «Nous avons des hôpitaux et 690 lits qui ne sont pas ouverts, principalement par manque de personnel, c'est absurde», s'emporte-t-elle.

La région madrilène, seule compétente en matière de santé, n'a, pour l'instant, trouvé que 116 soignants volontaires – sélectionnés parmi les salariés déjà sous contrat dans d'autres hôpitaux – pour y travailler et n'a pas précisé si elle comptait embaucher d'autres personnes pour ce nouvel établissement.

Outre les soignants, une partie de la classe politique a également critiqué le projet. 

Interrogée par la presse sur l'ouverture de l'hôpital, la porte-parole du gouvernement, María Jesús Montero, s'est contentée de répondre que «le gouvernement ne se [mêlait] pas de la manière dont chaque communauté gère ses ressources». 

Mais le ministre socialiste de la Santé, pourtant invité, a boudé la cérémonie d'inauguration. Salvador Illa a expliqué quelques heures plus tard qu'il était en conseil des ministres dans la matinée du 1er décembre, et que «le ministère avait été représenté par la secrétaire d'Etat».

Isabel Diaz Ayuso, la présidente de la région, a répliqué que l'ouverture d'un hôpital public «ne [pouvait] être une mauvaise nouvelle pour personne, sauf à faire preuve de sectarisme politique».

L'Espagne, l'un des pays d'Europe les plus affectés par la pandémie, a enregistré plus de 45 000 morts et plus de 1,6 million de cas de Covid-19.