Le quotidien allemand Die Welt se fait l'écho du projet d'un groupe de députés sociaux-démocrates du SPD dont l'objectif serait de créer une armée européenne. Ces parlementaires souhaiteraient que cette «28e armée de l'UE» soit directement subordonnée à la Commission européenne, sous la direction d'un nouveau «Commissaire européen à la Défense».
Il s'agit pour les parlementaires du SPD d'un «coup de pouce révolutionnaire» à la lente et difficile intégration militaire de l'Europe. Selon Fritz Felgentreu, l'un des porte-parole du groupe SPD, l'objectif est «d'améliorer la capacité de l'UE à agir indépendamment des questions fastidieuses de souveraineté». «En plus de la capacité déjà existante de faire appliquer la politique commerciale et de la plus grande unité diplomatique souhaitée, la 28e armée peut renforcer durablement le pilier militaire de la coopération européenne» explique-t-il au Welt.
Une «28e armée» supranationale
Selon ce projet, cette nouvelle armée supranationale (si elle voyait le jour) comporterait initialement 1 500 soldats, pour atteindre 8 000 hommes à moyen terme. Ceux-ci seraient recrutés parmi des soldats professionnels qui servent déjà dans les armées de l'UE et pourraient postuler individuellement pour l'intégrer. Au sein de la «28e armée», ces soldats ne seraient plus subordonnés à leurs structures de commandement nationales, mais à un «chef de la défense» de l'Union européenne.
Le contrôle politique de cette nouvelle armée distincte des armées nationales serait assuré par Parlement européen, via une nouvelle commission de défense. Les députés entérineraient ensuite les opérations à la majorité simple sur demande de la Commission.
Vers un retour du projet de CED de 1954 ?
Pour l'heure, le seul embryon d'armée européenne comparable à la proposition du SDP sont les Groupements tactiques de l’Union européenne (GTUE), des groupes inter-armées capable de mener des interventions militaires dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune de l’UE. Une initiative lancée en 1999 mais qui n'est pas une franche réussite, la Commission européenne ayant actuellement des difficultés à trouver des contributeurs de troupes pour les GTUE de la première moitié de 2021.
Un projet qui n'est pas sans rappeler le projet de Communauté européenne de défense (CED) rejeté par la France en 1954. La CED devait alors créer une armée européenne avec un commandement supranational qui aurait été rattaché à l'OTAN. Gaullistes et communistes à l'Assemblée nationale avaient alors fait échouer le projet en s'y opposant.
Cette velléité d'une plus forte coopération militaire européenne de la part de ces députés du SPD marque-t-elle une volonté d'indépendance stratégique vis-à-vis de l'Alliance atlantique ?, ou ces soldats sont-ils destinés à se ranger eux-aussi sous le drapeau de l'Otan ? Les positions actuelles du gouvernement allemand de coalition, pour qui l'UE doit rester sous la tutelle américaine, ne plaident pas en faveur de la première hypothèse. La ministre de la Défense Annegret Kramp-Karrenbauer avait ainsi déclaré le 2 novembre que «les illusions d’une autonomie stratégique européenne doivent cesser [car les] Européens ne seront pas capables de remplacer l’Amérique dans son rôle crucial de pourvoyeur de sécurité».