Le Premier ministre québécois, François Legault, a critiqué le 2 novembre la position de Justin Trudeau sur les «limites» de la liberté d'expression, objet d'un vif débat au Parlement, et a soutenu celle d'Emmanuel Macron après la polémique sur les caricatures de Mahomet.
«Je suis vraiment totalement en désaccord avec Justin Trudeau. Il faut protéger la liberté d'expression», a affirmé François Legault lors d'un point presse. «Je suis d'accord avec Emmanuel Macron», a-t-il ajouté.
Le Premier ministre québécois a fait part le 3 novembre, sur son compte Twitter, d'un appel qu'il a reçu du président français. «J'ai reçu un appel ce matin du président français, Emmanuel Macron. Il m’a remercié pour l’appui inconditionnel que j’ai donné à sa défense de la liberté d’expression. Nos deux nations partagent cette valeur fondamentale», a écrit François Legault.
Le Premier ministre canadien, interrogé le 30 octobre sur la liberté de critiquer le prophète Mahomet comme l'a fait Charlie Hebdo, avait estimé que la liberté d'expression n'était «pas sans limite», et ne devait pas «blesser de façon arbitraire et inutile» certains groupes ou communautés.
On ne peut pas accuser des personnes qui ont fait des caricatures
Tout en condamnant les récents attentats terroristes en France, Justin Trudeau prenait ainsi ses distances avec la position du président français, qui a fermement défendu le droit à la caricature au nom de la liberté d'expression.
Le journaliste Jérôme Blanchet-Gravel a expliqué Sur RT France ce 3 novembre que «le Canada est divisé» dans ce qu'on appelle outre-Atlantique «les deux solitudes». «Le Québec est beaucoup plus "Je suis Charlie" et le Canada est beaucoup moins Charlie», illustre le journaliste, qui estime qu'il y a un «clash entre la vision anglo-saxonne de la liberté d'expression et la vision québécoise» de cette question.
Plusieurs partis d'opposition dénoncent les propos de Justin Trudeau
Les déclarations d'Emmanuel Macron formulées après la décapitation le 16 octobre par un islamiste d'un enseignant français, Samuel Paty, qui avait montré à ses élèves des caricatures du prophète de l'islam, ont entraîné des manifestations anti-françaises dans plusieurs pays musulmans ces derniers jours.
«On ne peut pas accuser des personnes qui ont fait des caricatures», a expliqué François Legault. «On ne peut pas justifier de cette façon-là de la violence». Les prises de position de Justin Trudeau – chantre du multiculturalisme et du respect des minorités – ont également été dénoncées par plusieurs députés d'opposition lors d'un débat sur la liberté d'expression à la Chambre des communes.
«La formation politique que je représente se dissocie sans équivoque [...] du grave manque de courage exprimé par le Premier ministre du Canada quant à l'étendue de la liberté d'expression», a lancé le chef du Bloc Québécois (Indépendantistes), Yves-François Blanchet. L'opposition conservatrice lui a emboîté le pas, estimant qu'un Premier ministre devait «défendre la liberté d'expression» et non pas «y mettre des conditions». En l'absence du chef du gouvernement aux Communes, son ministre des Affaires étrangères François-Philippe Champagne a réaffirmé que le Canada continuerait de «défendre avec force la liberté d'expression dans le monde», appelant à «éviter de politiser cette question».