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Guaido a-t-il participé à l'assemblée générale de l'ONU, comme le laisse entendre Washington ?

Par le biais de sa porte-parole Morgan Ortagus, le département d'Etat américain a laissé entendre que l'opposant politique vénézuélien Juan Guaido avait participé à la 75e assemblée générale des Nations Unies. A un détail près...

Dans un tweet publié le 23 septembre au soir, Morgan Ortagus, porte-parole du Département d'Etat américain, a expliqué être «en train de regarder l'intervention aux Nations unies de Juan Guaido» en partageant une retransmission en direct intitulée «Discours du Président Juan Guaidó pour la 75e Assemblée générale des Nations Unies». Agrémentant sa publication du hashtag #GuaidoUNGA75, la haute diplomate américaine a alors appelé «le monde à soutenir des élections présidentielles et parlementaires libres et équitables au Venezuela».

Problème : en dépit du soutien américain qu'il reçoit dans la plupart de ses démarches politiques, Juan Guaido – qui s'est autoproclamé président par intérim du Venezuela au mois de janvier 2019 – n'était pas convié à l'événement mentionné. De fait, c'est le président élu Nicolas Maduro qui s'est exprimé dans le cadre de la traditionnelle assemblée des Nations unies, qui a lieu tous les ans depuis 1945. 

De son côté, Juan Guaido s'est exprimé lors d'une téléconférence diffusée sur ses réseaux, ainsi que le rapporte l'AFP ce 24 septembre. Simple erreur d’appréciation de la part de l'administration américaine ou volonté de rehausser la légitimité de l'homme politique qu'elle soutient face au pouvoir vénézuélien en place ? En tout état de cause, le principal intéressé avait lui-même, en amont de la 75e session de l'Assemblée générale, annoncé qu'il s'exprimerait.

«Demain, je m'adresserai aux délégations de l'Assemblée générale de l'ONU [afin de] demander le soutien et la pression internationale nécessaires pour instaurer la démocratie et la liberté au Venezuela», avait tweeté Juan Guaido, non sans provoquer l'étonnement de plusieurs internautes. «Ce n'est pas que je me méfie de votre parole, mais sur le site de l'ONU, celui qui apparaît est quelqu'un d'autre», avait par exemple réagi, capture d'écran à l'appui, l'informaticien vénézuélien Luigino Bracci Roa, qui se présente comme «communiquant populaire». 

Un épisode révélateur des tensions entre Caracas et ses détracteurs

Parmi les personnalités politiques américaines ayant également réagi, le candidat démocrate Joe Biden a choisi de relayer le message de l'opposant politique qui en appelle aux pressions internationales contre Nicolas Maduro. «Alors que Juan Guaido parle de la crise humanitaire vénézuélienne et des crimes contre l'humanité perpétrés par Maduro, je réaffirme mon engagement à me tenir aux côtés du peuple vénézuélien. Une administration Biden-Harris défendra toujours la démocratie et les droits de l'homme dans le monde», a écrit l'ancien vice-président américain.

Commentaire que n'ont pas manqué d'épingler certains observateurs, dont le journaliste Benjamin Norton, qui a réagi en ces termes : «Biden continue de montrer au monde que lui et Trump sont indiscernables lorsqu'il s'agit de terroriser le Sud. Les deux soutiennent les coups d'Etat et un blocus meurtrier contre le Venezuela qui a tué des dizaines de milliers de civils et déclenché une crise économique».

Cet épisode intervient dans le contexte d'une inimitié constante entre le gouvernement chaviste et ses détracteurs, parmi lesquels Washington figure en premier lieu. Dans ce climat tendu, Nicolas Maduro a annoncé le 23 septembre la mise en place un «commando d'opérations spéciales» ayant «la capacité d'agir en n'importe quel endroit du pays sans délai 24 heures sur 24», afin de lutter contre d'éventuelles incursions américaines sur son sol.

Fabien Rives